Climats artificiels
Fondation EDF / 4 octobre 2015 - 28 février 2016 À première vue, il paraît compliqué de proposer une exposition portant sur les dérives climatiques à la Fondation EDF. L’entreprise, faut-il le rappeler, qui fournit l’électricité en France et dans plusieurs autres pays dans le monde, produit cependant depuis des années 1990 des expositions soulignant les liens entre l’homme et son environnement. En marge de la COP21, le commissariat de Climats artificiels a été confié à Camille Morineau qui a choisi d’écarter la dimension politique et critique au profit d’une lecture poétique et métaphorique d’un sujet pourtant crucial. Une donnée qui échappe à l’exposition, qui fait la part belle aux climats artificiels à travers une sélection d’oeuvres historiques et contemporaines. Dans un coin, en hauteur, un petit écran cathodique diffuse un carré de ciel bleu, à peine nuageux. Sky TV (1966) de Yoko Ono retransmet en direct l’état du ciel de Paris grâce à un capteur vidéo disposé sur le toit de la fondation. Une prise avec le réel que nous retrouvons avec l’installation de Héhé, Champs d’ozone (2007), qui est une traduction colorimétrique de la qualité de l’air parisien. Les données sont réceptionnées puis converties en vert, bleu, jaune, orange ou rouge. L’oeuvre informe en direct sur l’air que nous respirons. La fabrication de paysages artificiels s’articule sous diffé- rentes formes. Rebecca Digne filme un paysage à la fois terreux, pluvieux et minéral au sein même de son atelier ( Climats, 2014). En activant la pluie et les variations lumineuses de façon manuelle, l’artiste fait non seulement interagir l’intérieur et l’extérieur, mais elle s’inscrit aussi dans une histoire du cinéma. Une notion qui apparaît également dans la réflexion d’Hicham Berrada, qui, lors de son séjour à Rome, déclenche un feu dans les jardins de la Villa Médicis ( Céleste, 2014). La fumée bleue, due à la combustion d’indigo, rappelle les nuages denses des éruptions volcaniques. L’artiste convoque l’expérience scientifique au profit de nouveaux paysages, à l’image de ses microcosmes aquatiques composés de produits chimiques actifs ( Présage, 2013). D’une autre manière, Vaughn Bell invite à introduire la tête à l’intérieur de petites maisons en plexiglas suspendues dans l’espace. Elles contiennent des biosphères, des paysages miniatures à contempler et à respirer de manière individuelle. La dernière partie de l’exposition, consacrée à la catastrophe, est teintée d’une ambiance plus angoissante. Nous y croisons un éclair en néon de Cécile Beau ou encore un potager post-nucléaire et monstrueux planté par Tetsumi Kudo. En clôture, le film de Laurent Grasso porte vers une dimension anté- ou post-apocalyptique, où un deuxième soleil fait son apparition dans un monde privé de ses humains. L’oeuvre, sublime et terrifiante, proclame l’avènement d’une nouvelle forme de vie sur Terre. Cette donnée traverse l’ensemble de l’exposition qui signale avant tout une absence, celle des humains. Climate change might like a sensitive subject for an exhibition at the Fondation EDF, since company is main supplier of electricity to France and other countries. Yet since the 1990s this venue has seen a number of shows emphasizing the links between human beings and their environment. Timed to overlap the CoP21 climate summit, the curation of Climats artificiels was entrusted to Camille Morineau, who opted to leave out any political or critical dimension and produce a poetic and metaphorical account of an issue that nevertheless remains an emergency. That aspect is not present in this presentation, which instead focuses on the creation of artificial climates as reported in historical and contemporary artworks. A small cathode ray screen situated in a corner of the ceiling shows a blue, almost cloudless sky. Yoko Ono’s Sky TV (1966) is a live transmission of the Paris skies as seen by a video camera set up on the building’s roof. The same kind of direct contact with reality also characterizes the installation by Héhé, Champs d’Ozone (2007), a colorimetric transcription of the air quality in the French capital. Data is captured and converted into greens, blues, oranges and reds to give us visible, real-time information about what we’re breathing. The creation of artificial climates can take many different forms. Rebecca Digne filmed a rainy, muddy, mineral landscape in the comfort of her own studio ( Climats, 2014). By manually generating rain and changing daylight, she created an interaction between the interior and exterior and at the same time situated her work in film history. This conceptual approach also marks the piece by Hicham Berrada, who lit a fire in the Villa Medici gardens during a residency in Rome ( Céleste, 2014). The blue smoke, created by the combustion of indigo, recalls the dense clouds emitted by a volcanic eruption. Berrada’s scientific experiment generates new landscapes, just as he used chemically active substances to make aquatic microcosms ( Présage, 2013). In a not entirely dissimilar manner, Vaughn Bell invites visitors to stick their head into little Plexiglas houses suspended in the air. They contain biospheres, miniature landscapes that visitors, one by one, can contemplate and breathe. The exhibition’s last section, about possible catastrophes, is infused with a more frightening atmosphere. A neon ray of lightening by Cécile Beau flashes not far from the monstrous post-nuclear vegetable garden by Tetsumi Kudo. The exhibition closes with Laurent Grasso’s film about some ante or post- apocalyptic moment when a second sun dawns on a world without human inhabitants. This sublime and terrifying piece proclaims the advent of a new life form on Earth. That idea runs through the whole exhibition, signaling an absence—our absence. All that’s left is a horrible sense of waste.
Translation, L-S Torgoff