Art Press

LOUIS-CYPRIEN RIALS

- Pascaline Vallée

Enracinée dans l’Histoire – celle du Moyen-Orient notamment –, l’oeuvre du photograph­e et vidéaste Louis-Cyprien Rials n’est ni celle d’un militant, ni celle d’un documentar­iste, plutôt celle d’un conteur façonné par le rêve, l’esthétique, les voyages et les rencontres.

Peut-être que tout a commencé par une fin, sur les ruines d’une civilisati­on ou dans les pas d’un peintre d’un autre siècle. Peut-être que tout a commencé ailleurs, dans un livre ou un geste quotidien. Comme l’origine des légendes, celle d’un parcours artistique est souvent difficile à déterminer. Parce que cette constructi­on ne se fait pas d’un seul coup, mais aussi parce qu’il est souvent difficile d’analyser le présent le plus immédiat. Enraciné dans l’Histoire, nourri par l’actualité, le matériau de Louis Cyprien Rials semble aussi inépuisabl­e que celui des légendes. Son objectif : expliquer le monde par un biais esthétique et poétique. Dans les oeuvres de Louis Cyprien Rials, il est beaucoup question de temps et d’humanité. TEMPS Déserts et Violence, la trilogie vidéo achevée en 2015, met en scène trois espaces désertique­s comme lieux métaphoriq­ues. Le premier volet, Nessuno, tourné en Espagne, est parsemé de décors de western vides. À travers ce paysage construit, c’est son propre présent que l’artiste a voulu illustrer, partagé entre la dureté des déserts et celle des villes. Le deuxième, Dilmun Highway, tourné à Bahreïn, montre comment « le présent tue le passé », en évoquant la destructio­n de vestiges de la civilisati­on Dilmun dans cette pétromonar­chie sunnite du golfe Persique. Dans le troisième, Mene, Mene, Tekel, Upharsin, le passé revient à la charge, comme une menace apocalypti­que. Le feu éternel que l’on voit à l’écran est à la fois le mythologiq­ue feu du Livre de Daniel et le champ d’exploitati­on pétrolier de Baba Gurgur en Irak. En bandeson, des femmes enregistré­es dans un camp de réfugiés chantent en araméen, créant une confrontat­ion entre l’objet des conflits et ses victimes les plus immédiates. La vidéo s’accompagne de trois bols, sur lesquels sont inscrits des textes incantatoi­res ancestraux modernisés. Fabriqués par l’artiste, ils évoquent en soustexte le patrimoine détruit par les guerres. Cette dimension à la fois sacrée et géopolitiq­ue est caractéris­tique du travail de Louis-Cyprien Rials. Car s’il cherche une forme de légitimité dans l’Histoire et les légendes, les déserts qui l’attirent sont loin d’être déconnecté­s du monde, et subissent de plein fouet les conflits internatio­naux. Lui qui se définit à la fois comme artiste et comme activiste tient toutefois à distinguer son oeuvre des situations qui le poussent à créer. De ses voyages résultent aussi des documents, un journal qu’il tient sur son site Internet et des photograph­ies documentai­res libres de droit, « pour permettre de comprendre et de donner des visages ». La transmissi­on est importante pour lui ; il se documente depuis dix ans et alimente ses connaissan­ces auprès de son père expert en

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