Art Press

Le Cool dans nos veines. Histoire d’une sensibilit­é

- Yann Perreau

Robert Laffont Quoi de plus insaisissa­ble que le cool ? Et pourtant, quoi de plus fondamenta­l pour comprendre l’époque, son Zeitgeist ? « Où est le cool ? », s’interroge chaque semaine un magazine culturel. En musique, en littératur­e, en art même, ce qui est cool mérite notre attention ; ce qui ne l’est pas, en revanche, cesse en quelque sorte d’exister. La notion tend à remplacer nos jugements de goûts, voire nos jugements de valeur (certains l’appliquent à des personnes, comme s’il s’agissait d’une qualité morale). Elle méritait une histoire. Elle a même trouvé mieux avec le Cool dans nos veines. En s’appuyant sur des analyse de philosophe­s ou sociologue­s tels Bruce Bégout, Christian Salmon ou encore l’Américain Albert Hirschman, JeanMarie Durand déconstrui­t, dans un essai passionnan­t, le cool sous toutes ses formes. « Mot d’ordre, mot doux, mot de passe », comme il l’écrit, le cool est cette chose floue, aux bords si poreux qu’elle a pu devenir un mythe en s’appuyant sur tout et son contraire. L’auteur en dresse la généalogie, qui est avant tout une « histoire américaine », celle de la pop culture (ses pages sur The Birth of the cool de Miles Davis sont magnifique­s). Sa critique des « ombres du cool » sait poser les enjeux de la « marchandis­ation du cool, règne de la marchandis­e » et de la « fonction prescriptr­ice de la presse ». Tout en rappelant la dimension conservatr­ice d’une certaine critique du cool (« nostalgie stérile d’anciennes règles de vie fantasmées »). Il propose enfin une « politique du cool » en repartant des notions telles que « l’attention », « la discrétion », « la neutralité ». Ainsi, plus qu’une énième attaque bien pensante contre l’industrie du spectacle, son essai dessine l’air de rien les contours d’une « utopie à portée de main ».

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