Le Style à l’état vif
Questions théoriques Le pragmatisme est une « philosophie qui regarde l’avenir, et juge donc les idées selon leurs connaissances et non selon leurs sources », résume Richard Shusterman dans le premier des huit articles qui composent ce recueil. Assez anciens, ils précèdent Conscience du corps. Pour une soma-esthétique, dont ils préparent les thèses. Il s’agit, en pensant le corps comme lieu de l’art, de resémantiser le terme d’« esthétique » et de préserver contre Arthur Danto ou Nelson Goodman la notion d’expérience (au moins comme direction à suivre, indication de chemin) en établissant « une science de la perception sensorielle qui ne s’occupe pas seulement des beaux-arts mais s’attache aussi à améliorer notre fonctionnement perceptuel (et donc à renforcer ses bénéfices pratiques, cognitifs et hédonistes) ». À ce titre, le « style » est un concept que Shusterman rattache à la forme d’humanisme impératif qu’il nomme, sous les auspices de Nietzsche, Dewey et Wittgenstein, « méliorisme » : « Bien loin de la libre expression de l’unicité naturelle du moi, la stylisation de soi implique une “contrainte”, qui exige de cultiver des modèles mais aussi la refonte ou l’extraction du naturel par l’art. » Pour mener à bien cette nouvelle « éducation esthétique de l’homme », Shusterman se penche longuement sur les catégories de « divertissement » et d’« art populaire » : le plaisir devient une notion centrale de la somaesthétique, que l’auteur trouve à la fois dans l’impermanent, le mineur et dans la « dimension sociale » de la joie : ainsi « lorsque nous voyons un enfant apprécier une chanson, nous sommes incités à prendre plaisir à son plaisir, même lorsque nous ne connaissons pas l’enfant et que nous ne pensons pas que la chanson soit particulièrement belle ».