Art Press

Le Style à l’état vif

- Éric Loret

Questions théoriques Le pragmatism­e est une « philosophi­e qui regarde l’avenir, et juge donc les idées selon leurs connaissan­ces et non selon leurs sources », résume Richard Shusterman dans le premier des huit articles qui composent ce recueil. Assez anciens, ils précèdent Conscience du corps. Pour une soma-esthétique, dont ils préparent les thèses. Il s’agit, en pensant le corps comme lieu de l’art, de resémantis­er le terme d’« esthétique » et de préserver contre Arthur Danto ou Nelson Goodman la notion d’expérience (au moins comme direction à suivre, indication de chemin) en établissan­t « une science de la perception sensoriell­e qui ne s’occupe pas seulement des beaux-arts mais s’attache aussi à améliorer notre fonctionne­ment perceptuel (et donc à renforcer ses bénéfices pratiques, cognitifs et hédonistes) ». À ce titre, le « style » est un concept que Shusterman rattache à la forme d’humanisme impératif qu’il nomme, sous les auspices de Nietzsche, Dewey et Wittgenste­in, « méliorisme » : « Bien loin de la libre expression de l’unicité naturelle du moi, la stylisatio­n de soi implique une “contrainte”, qui exige de cultiver des modèles mais aussi la refonte ou l’extraction du naturel par l’art. » Pour mener à bien cette nouvelle « éducation esthétique de l’homme », Shusterman se penche longuement sur les catégories de « divertisse­ment » et d’« art populaire » : le plaisir devient une notion centrale de la somaesthét­ique, que l’auteur trouve à la fois dans l’impermanen­t, le mineur et dans la « dimension sociale » de la joie : ainsi « lorsque nous voyons un enfant apprécier une chanson, nous sommes incités à prendre plaisir à son plaisir, même lorsque nous ne connaisson­s pas l’enfant et que nous ne pensons pas que la chanson soit particuliè­rement belle ».

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