Locus Solus
Dilecta Spécialisées dans le livre d’artiste, les éditions Dilecta avaient déjà consacré en 2009 à Jean-Michel Othoniel les Noeuds de Janus. Elles récidivent avec Locus Solus, où l’artiste du soufre, du verre soufflé et des atmosphères sublimées qu’est Othoniel se fond cette fois dans l’univers crypto-surréaliste de Raymond Roussel, écrivain inclassable de la fin de la Belle Époque. Un univers familier à l’artiste français, dont on rappellera l’un des premiers gestes artistiques : retrouver, en explorateur de la fiction, la villa mythique de l’inventeur Martial Cantarel, « Locus Solus », littéralement « le lieu unique », périmètre imaginaire, à la H. G. Wells, mis en scène par Roussel dans son roman éponyme publié en 1914. Othoniel n’« image » pas, n’illustre pas la prose sinueuse et complexe de Roussel. Chacun sa partie. À l’écrivain ses délires scientistes, qui forment la trame d’un récit mystérieux confrontant le spectateur à des inventions absurdes (la tête de Danton maintenue vivante grâce à la « Résurrectine »). À l’artiste, selon un principe qui tient de l’hommage et de la fusion culturelle, l’enrichissement de la prouesse imaginaire de Roussel. Sept rubans couleur d’arc-en-ciel, cousus dans l’ouvrage, ponctuent chacun des chapitres du roman, avec quelques surprises au fil des pages : des photographies encollées, des pendentifs, une carte de tarot… De quoi ajouter à l’univers de l’écrivain dans un sens cher à Othoniel, la rematérialisation, l’ajout au réel de formes et de matières improbables mais fascinantes. Un second coffret, en plus du livre proprement dit, présente une création qui évoquera l’esprit de James Lee Byars, une étoile de verre aux forts pouvoirs de suggestion, entre propulsion vers le macrocosme et aspiration à l’absolu.