Dominique baqué
La photographie
Au temps de l’orientalisme, de Chateaubriand à Géricault, de Loti à Delacroix, peintres et écrivains firent preuve d’une authentique fascination pour le monde arabe. Photographes, anthropologues et ethnologues prirent le relais. Puis, au fil des guerres coloniales, du conflit israélo-palestinien, de la montée en puissance du terrorisme, du 11-Septembre et maintenant de Daesh, les cartes se sont brouillées. Le regard s’est voilé de soupçon, d’incompréhension, quand il n’est pas devenu haineux. Et c’est en cela que la première Biennale des photographes du monde arabe contemporain – sise à la Maison européenne de la photographie et à l’Institut du monde arabe pour l’essentiel – fut particulièrement bienvenue.
TERRITOIRES DÉVASTÉS
La MEP a privilégié le photoreportage classique : ainsi celui de Massimo Berruti sur la crise de l’eau à Gaza et en Cisjordanie, et a rendu hommage à Daoud Aoulad-Syad, à son attachement à la culture populaire, aux arts forains, à la mémoire collective. Des photographies de rues pour l’essentiel, en noir et blanc, touchantes, certes, mais déjà très « datées », portraits humanistes d’un autre âge auxquels il me semble difficile d’adhérer. En ce sens, le travail effectué par Andrea & Magda autour de Sinai Park, loin des codes du photojournalisme, proposait une interrogation plus contemporaine sur un lieu traversé par l’Histoire, les mythes, les conflits immémoriaux, mais aussi par le tourisme de masse. D’où des images au chromatisme appuyé, à la théâtralité ostentatoire, qui montrent un territoire dévasté par des architectures de carton-pâte, ravagé par la spéculation immobilière. Un « non-lieu », comme l’entendait Marc Augé, kitsch et naïf, mais aussi une catastrophe écologique, politique et idéologique.
RÉINVENTER DES PAYSAGES
Pas, ou très peu, de reportage à l’IMA, mais des photographies placées sous le signe de cette phrase de Jean-Luc Godard, à méditer : il faudrait cesser de penser que le langage de l’opprimé est celui du docu-