ICI ET AILLEURS, NOUS ET LES AUTRES Here and elsewhere them and us
mentaire, et celui de l’oppresseur, celui de la fiction. Inventer un échange des rôles et des esthétiques, c’est ce à quoi se sont attachés nombre d’artistes, et notamment ceux qui ont réinventé les paysages orientaux, comme les Shadow Sites de Jananne Al-Ani, les architectures de sable à Dubaï de Farah Al Qasimi, les paysages syriens de Mehdi Medacci ou les nouvelles strates immobilières de Beyrouth saisies par Joe Kesrouani. Mais la photographie « arabe » prend aussi le risque de dénoncer le travail – trop méconnu de nous – des enfants égyptiens, véritables martyrs sous le soleil implacable des carrières de pierres de Menya (Myriam Abdelaziz), de mettre au jour l’insupportable quotidien des veuves de martyrs syriens (Tanya Habjouqa), ou encore de lutter contre ce fléau endémique qui frappe les femmes arabes, la violence sexuelle (Mouna Saboni).
PROMESSES DU LENDEMAIN
Loin de ces images devenues si « lourdes » depuis le 13 novembre, la Galerie de photographies du Centre Pompidou exposait une série de photographies signées Agnès Varda, et mises en séquence filmique, accompagnées d’un double commentaire – celui de la réalisatrice et celui de Michel Piccoli : quatre ans après la chute du dictateur Battista, à Cuba, en 1962 donc, la jeune Agnès Varda captait une révolution en marche, au son des musiques caribéennes et au rythme des congas. Comme le disait Varda elle-même, on assistait ici à la rencontre ludique et improbable « du socialisme et du cha-cha-cha »… Dans les rues de La Havane, sur les routes, dans les champs de canne à sucre, l’objectif saisit un peuple en marche, mais plus encore la beauté inouïe des Cubaines, leurs courbes sensuelles, leurs éclats de rire et leurs danses. La révolution ouvrait alors le champ de tous les possibles, et, fascinés, séduits, nous regardons défiler ces visages métissés qui croyaient encore, sous le soleil de Cuba, auprès des artistes encore libres de tout, aux infinies promesses du lendemain – nous qui n’avons plus que les cendres du réel. Back in the days of Orientalism, from Loti to Delacroix and Chateaubriand to Géricault, writers and painters were fascinated by the Arab world. Photographers, anthropologists and ethnologists became similarly entranced. But with the colonial wars, the Israeli-Palestinian conflict, the rise of terrorism, 9/11 and now Daesh, things changed. Western eyes turned suspicious and uncomprehending, and sometimes downright hateful. That makes the first biennial of photography from the Arab world (mostly on view at the Maison