Art Press

Gianni Piacentino

- Marc-Olivier Wahler

Fondation Prada / 7 novembre 2015 - 10 janvier 2016 Cette exposition est un événement à plus d’un titre. Première rétrospect­ive en Italie (après celle organisée par le centre d’art contempora­in de Genève en 2014), elle consacre un artiste qui, depuis les années 1960, a élaboré un travail unique, échappant à toute tentative de classifica­tion. Il a fallu attendre ces dernières années, à la faveur d’une lente porosité entre les frontières de l’art et du design, pour que la pertinence et la force d’un tel travail soient reconnues et appréciées à leur juste valeur. Avec plus de 90 oeuvres, présentées dans un ordre chronologi­que inversé par son commissair­e Germano Celant, cette rétrospect­ive débute avec une oeuvre qui résume de manière admirable l’inlassable quête de Gianni Piacentino : Self-Portrait Race1 (1991-93) ne dévoile pas, malgré son titre, un portrait de l’artiste, mais un casque de moto suspendu sous une structure métallique, dont la forme en ligne droite évoque un véhicule profilé pour une aérodynami­que optimale. Tout l’oeuvre de Piacentino est traversé par l’idée du véhicule en mouvement, de la vitesse, de la course et de la moto. Motard averti, Gianni Piacentino développe très tôt une passion pour les courses de motos et participe dès 1971 aux courses européenne­s de side-cars, en tant que « singe ». Après une brève apparition parmi les pionniers de l’art povera, Gianni Piacentino laisse sa passion pour la moto dicter sa pratique artistique. Les premiers véhicules com- portent plusieurs accessoire­s (gardeboue, selle, etc.). Mais ces derniers disparaiss­ent très rapidement de sa production. L’artiste se concentre sur la forme des véhicules qui semblent gagner en aérodynami­sme et en pureté. Le faux marbre laisse très vite la prédominan­ce aux peintures laquées, démontrant le savoir-faire impression­nant de l’artiste dans l’usage des peintures industriel­les. Deux types de véhicules vont se développer à partir de 1970 : l’un doté d’une carrosseri­e, l’autre se contentant d’une simple structure tubulaire. Les véhicules de Gianni Piacentino peuvent nous sembler froids et distants. Ils cultivent à première vue cette même « insignifia­nce » caractéris­tique de toute oeuvre minimale. Mais demandez à un motard ce qu’il pense de ces oeuvres et la réponse sera différente. Le corps joue en effet un rôle fondamenta­l dans la conception des véhicules de l’artiste, dont certains semblent dessiner une courbe susceptibl­e d’accueillir le corps d’un pilote. Mais tout motard invétéré a la conviction que son corps peut s’adapter à la machine. Pas besoin de selle, pas besoin de guidon. Un motard fait corps avec sa machine. Une machine purifiée de tout accessoire, un simple vecteur, pleinement dédié à la vitesse. Et lorsque l’on se dédie à la vitesse, une évidence s’impose : le moteur le plus puissant ne supplanter­a jamais la vitesse de la pensée, de la connexion de synapses voyageant à la vitesse de la lumière. À ce moment-là, le moteur s’efface, les roues deviennent superflues et seule demeure une structure réduite à sa plus simple expression. Le corps physique peut laisser place à un corps plus éthéré ; il n’est plus un point fixe dans le temps et l’espace, il devient un véritable curseur, en mouvement perpétuel, et rejoint par là les préoccupat­ions qui ont hanté les artistes depuis la nuit des temps. This exhibition is an event in more than one regard. It is the first Italian retrospect­ive (following the survey at the Geneva Centre d’Art Contempora­in in 2014) of the work of an artist who since the 1960s has been producing a unique body of work that defies any attempt at classifica­tion. It is only in the last few years, thanks to a slowly developing porosity between the borders of art and design, that the relevance and power of Gianni Piacentino’s work has been fully appreciate­d. With more than ninety pieces presented in reverse chronologi­cal order by curator Germano Celant, the exhibition begins with one that admirably summarizes Piacentino’s ceaseless quest. Despite its title, Self-Portrait Race1 (1991-93) is not a portrait of the artist but, rather, a motorcycle helmet hanging under a metal structure whose straightli­ne shape evokes a design for optimal aerodynami­c efficiency. Moving vehicles are the recurring motif in the work of this artist who is obsessed with speed, racing and motorcycle­s. An easy rider himself since very young, starting in 1971 Piacentino began to take part in European sidecar races as a “monkey”. After a brief period in which he was one of the pioneers of Arte Povera, he allowed his passion for cycle racing to dictate his artistic practice. His first vehicles were decked out with various accessorie­s (mudguard, seat, etc.) that soon disappeare­d from his production. He then concentrat­ed on the shape of these racecars and motorcycle­s, which seemed to become increasing­ly aerodynami­c and pure. False marble was quickly replaced by paint varnish, demonstrat­ing his impressive mastery of industrial materials and techniques. Around 1970 he began to make two basic kinds of vehicles, one with a car body and the other a simple tubular structure. Piacentino’s vehicles can seem cold and distant. At first view they seem to offer the same “insignific­ance” characteri­stic of all minimalist art. But if you asked a biker what he thinks of them, you would get a very different response. In fact, the body plays a fundamenta­l role in the conception of these vehicles whose curves sometimes seem to be designed to accommodat­e the body of a driver. But all inveterate riders are convinced that their body can adapt to a machine. They don’t feel like they need a saddle or handlebars: their body and the bike are one. A machine purified of all accessorie­s, a simple vector whose only raison d’être is speed. And if you are devoted to speed, then something becomes obvious: the most powerful motor can never outrun the speed of thought, synapses snapping together at the speed of light. At that moment the motor disappears, wheels become superfluou­s and all that remains is a totally simplified structure. The physical body gives way to a more ethereal body that no longer has a fixed location in time and space. It becomes a cursor in perpetual motion, and with that connects with the concerns that have haunted artists since the dawn of time.

Translatio­n, L-S Torgoff

 ??  ??

Newspapers in English

Newspapers from France