Là où commence le jour
LaM / 2 octobre 2015 - 10 janvier 2016 Là où commence le jour, finit la nuit, serait-on tenté d’écrire. Or c’est le contraire dont il s’agit, dans cette exposition volontairement labyrinthique (commissariat : Marc Donnadieu, assisté de Pauline Creteur), qui conduit le visiteur de l’obscurité de la nuit jusqu’aux premières lueurs de l’aube, non seulement au travers d’oeuvres judicieusement sélectionnées, mais aussi dans le parcours même du musée. Le visiteur est littéralement amené du fond des salles où il s’interroge sur son devenir, en compagnie des sentences picturales de Rémy Zaugg, jusqu’à l’éclaircie lumineuse des drapeaux transparents d’Edith Dekyndt et le retour bienvenu à la lumière du jour. De ce prologue à l’épilogue, tout cela fonctionne pour peu que l’on se laisse prendre, presque par la main, au jeu de cette déambulation accompagnée qui pourra faire vivre quelques expériences de perceptions visuelles et sensorielles. Il s’agit d’une exposition d’art contemporain certes, peut-être une des plus sensibles données à voir, sans doute parce qu’elle puise ses sources dans une histoire séculaire, matérialisée par des oeuvres de Dürer et de divers documents anciens – livres, gravures, dessins, essentiellement des 15e et 16e siècles – qui tous abordent la question de l’univers, de sa représentation et, ipso facto, de la place que l’homme y occupe. Les titres des douze sections de l’exposition – Le monde n’est qu’illusion, Les trois grâces, Les quatre éléments, Le corps et sa mesure, Le jardin des merveilles, parmi d’autres – font explicitement allusion à ces thèmes, tout en étant également traités par des pratiques contemporaines, selon un axe transgénérationnel européen. Celui-ci prend sa source parmi les derniers mouvements artistiques de la seconde moitié du 20e siècle, en particulier l’arte povera (Anselmo, Penone, Parmiggiani, De Dominicis, Boetti) et l’art performatif, appelé naguère body art, (Gina Pane, Barbara et Michael Leisgen, Chris Burden), sans oublier l’aspect vidéographique, ciblé au travers des oeuvres de Bill Viola, Mircea Cantor et une pièce rare de Jean-Luc Moulène. L’ensemble dialogue avec des artistes tels Ignasi Aballi, Laurent Grasso, Thomas Lerooy, Balthasar Burkhard, Dieter Appelt, Pascal Convert, Michel François, Lionel Estève. Ce qui relie toutes ces oeuvres et dessine la trame de cette exposition est constitué de différents motifs récurrents qui font office de repères transversaux au travers des différents chapitres qui composent l’ensemble (cercles, sphères, fenêtrées, miroirs, ciels, horizons, éléments corporels) et dont un cabinet de curiosités revisité constitue la synthèse. On peut donc aussi parcourir cette exposition différemment, en faisant fi du parcours proposé et en se repérant grâce à ces motifs qui renvoient d’un chapitre à l’autre, d’une technique à l’autre, d’une génération à l’autre. Cet exercice est quelque peu forcé par l’absence de cartels à proximité de chaque oeuvre (ils sont regroupés aux extrémités de chaque salle, sous la forme de bornes tactiles), façon comme une autre de mettre l’accent sur les oeuvres, qu’il s’agisse d´objets ou de traces de la mémoire historique et scientifique. Autrement dit, nous sommes loin ici des expositions spectaculaires ou fourre-tout qui ont une certaine cote actuellement. Revers de la médaille, à l’image des écrans tactiles, le catalogue (accessible par un code) est virtuel lui aussi – il s’effacera des écrans dans un an –alors qu’il se révèle d’une richesse qui amplifie largement le propos de l’exposition.