Sarah Tritz
Fondation d’entreprise Ricard / 24 novembre 2015 - 9 janvier 2016 Derrière le comptoir situé dans l’entrée de la fondation Ricard, une phrase surgit en lettres roses, Diabolo mâche un chewing-gum sous la pluie et pense au cul. Un titre drôle et énigmatique qui résonne comme une invitation à suivre les frasques et les rêveries de Diabolo, un personnage fictif que nous ne rencontrerons pas vraiment, du moins pas dans sa forme complète. Il apparaît de manière fragmentée, son corps et son imaginaire sont disséminés aux quatre coins de l’espace. Le dessin, médium de prédilection de Sarah Tritz, y trouve différentes transpositions. Sur papier, mur, toile, carton, enduit de plâtre, découpé, sculpté, collé, assemblé, le dessin est mis en mouvement dans son histoire et dans sa forme. Nous décelons les présences fantomatiques des oeuvres d’Helen Frankenthaler, Francis Picabia, Sarah Lucas, Willi Baumeister ou encore Max Ernst. L’artiste injecte des fragments d’histoire de l’art, des réminiscences qui ont participé à la construction d’une fantaisie. Consciente que l’art ne surgit pas du néant, elle insiste sur le recyclage, l’hybridation et la transformation de l’art du passé, proche et lointain. Pour cela, elle fait de l’exposition un théâtre tragi-comique où les décors, les personnages et les spectateurs interagissent. La scénographie est régie par un travail de l’espace qui est envisagé comme un matériau à part entière. Des pans de murs sont peints de couleurs douces qui découpent et réagencent notre rapport à l’espace. Les oeuvres dessinées s’introduisent dans l’espace par le biais de plaques d’enduit agrégées aux murs. À la manière d’une partition musicale, elles sont accrochées à différentes hauteurs. L’une d’entre elles se cache derrière un pilier, dont les mesures ont été reprises pour la construction d’un socle sur lequel trône un personnage smiley dont le corps est un petit tiroir en bois. De manière sous-jacente, Sarah Tritz creuse le sujet de la représentation des femmes. Nous sommes en effet accueillis par une odalisque en volume étendue sur le sol, référence à la femme-objet, passive et lascive. Plus loin, des gymnastes dessinées, peintes et découpées émergent sur les murs. Des corps formatés par des codes précis. Spatialement, l’artiste assume une palette de couleurs girly pour enfoncer le clou. Elle s’empare des archétypes et conjugue les corps morcelés à travers lesquels les femmes ne sont plus des corps désirables. Les strates de lecture de l’oeuvre portent un questionnement sur le positionnement de l’artiste au sein d’un flux créatif historique et contemporain. Incontrôlable, intuitif et réjouissant, il traverse l’exposition de part en part en articulant les courants artistiques qui ont participé à la construction d’une histoire de l’art, le mouvement du dessin qui colonise l’espace, celui des corps des personnages qui jouissent d’une liberté folle, ou encore celui de notre propre corps qui se déplace dans ce petit théâtre de la création. On the wall behind the counter located at the entrance to the Fondation Ricard a sentence is written in pinkish letters: “Diabolo mâche un chewing-gum sous la pluie et pense au cul” (Diabolo chews gum in the rain and thinks about sex). The funny and enigmatic title resonates like an invitation to follow the shenanigans and daydreams of Diabolo, a fictional character whom we never really meet, at least not all of him at once. We see fragments of him; pieces of his body and the world of his imagination are strewn to the four winds. The drawings are transposed in various ways. On paper, walls, canvas, cardboard, plaster, cut up, sculpted, glued, and assembled, they traverse the history of Sarah Tritz’s favorite medium and its many modes of existence. We glimpse ghosts of the work of Helen Frankenthaler, Francis Picabia, Sarah Lucas, Willi Baumeister and Max Ernst. The fragments of art history Tritz injects are reminiscences of the construction of a fantasy. Highly aware that art never arises out of nothing, she quite overtly recycles, hybridizes and transforms art of the distant and recent past. To that end she has turned her exhibition into a tragicomic theater piece where the stage settings, characters and spectators all interact. The defining feature of her stagecraft is the way she works with space as if it were a theatrical element in and of itself. Whole swaths of walls are painted soft colors that cut apart and reconfigure our relationship to space. The drawings are inscribed in space by means of plaster coating the walls. They hang at different levels like notes in a musical score. One of them is hidden behind a pillar. Its measurements are the same as a pedestal on which rests a smiley face-head whose body is made of a small wooden drawer. Implicitly, Tritz’s work explores the complex subject of the representation of women. Visitors are greeted by an Odalisque literally stretched out on the floor, referencing the representation of women as lascivious sex objects. Gymnasts—drawn, painted and cut out—emerge from the walls. Their bodies are formatted, judged, trained and standardized according to precise codes. Tritz uses a palette of girly colors for her spaces to drive the point home. She seizes on archetypes, repeating variations on body parts that no longer add up to desirable women. The various levels at which her work can be read interrogate the position of the artist, historically and today. This out of control, intuitive and joyful questioning runs through the exhibition from one end to the other, articulating the artistic currents that have constructed an art history, the movement of a drawing that colonizes space, the bodies of wild and free characters, and our own bodies as we move around in this little theater of art.
Translation, L-S Torgoff