Ivan Gontcharov
Oblomov et la Frégate Pallas
Robert Laffont Qui ne connaît pas le personnage d’Oblomov, inventé en 1859 par Ivan Gontcharov, contemporain de Tolstoï et de Dostoïevski, a une chance immense. Il va découvrir un être « hors normes », devenu un mythe littéraire à l’égal d’un Faust, Don Quichotte ou Don Juan. Un être qui se définit par la volonté tenace de ne rien entreprendre, qui rêve d’une existence « sans nuages, sans orages, sans ébranlements intérieurs ». Le roman déclencha à sa parution une vague démentielle d’apathie en Russie à tel point qu’on lui donna un nom, comme à une maladie : « l’Oblomovstchina ». L’histoire d’Oblomov, enroulé toute la journée comme un gros poussin dans sa robe de chambre orientale, est-elle une régression, une sorte de naufrage ? Pas du tout. Et c’est toute la force philosophique du livre, au-delà du burlesque apparent : il s’agit d’être soi, et cela ne s’accomplit que dans le refus. Un refus obstiné de ne pas être comme « les autres », ces agités et mondains qui rendent visite à Oblomov dans sa chambre. Fraîcheur d’Oblomov qui souhaite retrouver le paradis de l’enfance, si paisible, sans contraintes, sans responsabilités. Et modèle moral pour certains, qui a fait du renoncement un rempart contre le monde extérieur. Il a décidé, une fois pour toutes, de déposer les armes et de vivre dans cette oisiveté qu’il impose à ses proches. Car, bien sûr, le Maître, c’est lui, qui sourit en disant « Non » à tout… Dans l’autre texte, la Frégate Pallas, Gontcharov relate son voyage autour du monde, d’un continent à l’autre, à l’époque de la marine à voile, un temps lent propice à la contemplation. Il écrit à partir de sa correspondance et en revendiquant une liberté de style absolue. Dans ce livre aussi, l’enfance est présente, sous la forme d’un émerveillement, continu cette fois.