Les Élégies
Gallimard La collection de poésie au format poche de Gallimard fête ses cinquante ans et accueille les Élégies d’Emmanuel Hocquard. S’y développe « une alternance de mémoire et d’oubli pour les choses connues / et puis l’indifférence aux choses sues ». Publié en 1990, ce livre pratique un retournement de ce genre poétique qui le débarrasse de sa dimension biographique exacerbée par la plainte, et l’entraîne dans une instabilité susceptible d’apporter des éclairages inattendus sur un passé remontant à la surface pour être emporté par un présent lâchant la bride à tout ce qui le prolonge. Hocquard s’en tient à ce qu’il peut saisir, retenir avec ses outils ordinaires, se déplace avec vigilance et agilité, car il a pleinement intégré que « les anciens mots conviennent aux situations nouvelles ». Il a entendu Ludwig Wittgenstein, et sait qu’il faut savoir écrire « à la hauteur où on est. Et l’on n’y est pas monté sur des échasses ou sur une échelle, mais simplement debout sur ses pieds ». Ses élégies ne sont ni démonstratives, ni retentissantes. Elles apparaissent comme des ensembles d’éléments fragmentés, composites, mais qui obéissent à un même élan. Des préparatifs sont sans cesse ravivés par la proximité d’étranges voyages. Des lieux, des objets, des informations s’accumulent dans une mise à l’épreuve de relations élargies. Des listes de choses, apparemment fort différentes, produisent de foisonnantes résonances. Puisque « tout va au fond, tout sonne sous la pioche… », Hocquard agence des vestiges anciens, chargés d’histoire, et modernes, plus problématiques à cerner, donne une transparence à une activité secrète et exhibe ainsi cet intérieur qui préside à la construction du poème comme « une brèche délibérée dans le temps des paroles ».