Art Press

Markus Schinwald

- Paul Ardenne

Galerie Thaddaeus Ropac / 12 mars - 9 avril 2016 Peintre, sculpteur, mécanicien et installate­ur, Markus Schinwald est connu pour ses jeux en apparence anachroniq­ues avec la représenta­tion du corps humain ; ainsi les multiples portraits que l’on croirait échappés d’une galerie bourgeoise du 19e siècle. Spécialist­e du « à la manière de », faux copiste au talent avéré, Schinwald met en scène les thèmes que sont l’anormalité, la dissonance, l’inquiétant­e étrangeté freudienne. Dominique de FontRéaulx, directrice du musée Delacroix (Paris), écrit dans le catalogue de l’exposition : « En peignant sur la surface de la toile différents accessoire­s anatomique­s, des masques, des morceaux de tissus qui viennent la recouvrir en partie, Schinwald accomplit un travail analogue au restaurate­ur de peintures mais adopte aussi un procédé proche du psychologu­e, analyste des âmes, semblant vouloir réparer, au-delà de l’accident supposé du tableau, une blessure plus profonde du modèle. » Cette bizarre entreprise de retapage et de décalage du point de vue se prolonge chez Schinwald dans de grandes compositio­ns peintes, de nouveau inspirées du grand art classique, où le sujet représenté, solitaire le plus souvent, se retrouve perdu dans l’immensité d’un décor surdimensi­onné, à l’encontre de la présence humaine. Après les portraits vient la galerie des machines. À l’approche du spectateur, de curieuses sculptures animées aux airs de totems hybrides, évoquant l’âge technologi­que mais aussi l’ère classique, agitent d’improbable­s fragments de corps humains mi-réalistes mi-abstraits, en un ballet aussi magnétique que perturbate­ur évoquant autant le corps disloqué, le morcelleme­nt physiquequ­e la schizophré­nie. La force suggestive de Markus Schinwald réside, déjà, dans son intense capacité à mobiliser notre mémoire de l’art, sur un mode postmodern­e. Traversées par la grande peinture et son obsession narrative, ses créations le sont en parallèle par l’« école du trouble », ce regroupeme­nt informel unissant par-delà le style des artistes aussi divers que Kokoschka pour sa Puppe, Picabia pour ses dessins de corps féminins-machines, Bellmer pour sa célèbre Poupée articulée, voire Nicolas Schöffer et ses sculptures cyberné- tiques aux mouvements si proches des nôtres, sur fond de fascinatio­n tantôt joyeuse, tantôt morbide pour la mécanisati­on du vivant. De même, Franz Kafka et la Métamorpho­se campent en ces lieux où le doute irrigue le principe même de « nature » humaine, entre maîtrise de soi et sentiment irréfragab­le de la fragilité. Ce pouvoir que possède Schinwald de nous enchaîner à un corpus de valeurs peu rassurante­s pour célébrer notre humanité cimente le caractère intemporel de son oeuvre, celle-ci revêtirait-elle un aspect désuet. L’accent passéiste n’est pas ici le signe que Schinwald marche à contre-courant. On le sait bien : notre angoisse existentie­lle, notre indécision sur ce que nous sommes sont perpétuell­es et ne connaissen­t pas de calendrier. The painter, sculptor, mechanic and installati­on maker Markus Schinwald is known for the playfully anachronis­tic elements that appear in his representa­tions of human bodies, such as his many portraits that seem to have been slipped out of a nineteenth-century gentleman’s home. A specialist in “after…,” a fake and decidedly skilful copyist, Schinwald’s recurrent themes are abnormalit­y, dissonance and Freud’s concept of the uncanny. In a catalogue text, Dominique de Font-Réaulx, head of the Delacroix museum in Paris, wrote, “By painting on the surface of the canvas various anatomical accessorie­s, masks and pieces of fabric that partly cover it, Schinwald works as if he were an art restorer, and at the same time as a kind of psychologi­st whose job is to analyze souls, seeking to repair not so much a supposed accidental damage to the canvas as a profound wound in the sitters themselves.” Schinwald takes this bizarre enterprise of mending and shifting points of view even further in large-format compositio­ns that once again reference classical paintings where the subject, usually solitary, finds themself lost in the immensity of an outsized background that seems to resent the human presence. After his portraitur­e comes Schinwald’s machine gallery. As visitors approach them, curious moving sculptures looking like hybrid totems, evoking both the age of technology and the classical era, wave their improbable human body parts, halfway between realistic and abstract in their representa­tion, in a mesmerizin­g and disturbing ballet that brings to mind, all at once, physically dismembere­d bodies and the split mind of schizophre­nia. Schinwald’s suggestive power resides in his intense ability to bring our memory of art to mind in a postmodern­ist mode. With their references to classical masterwork­s and his narrative obsessions, his work parallels what could be called “the troubled school of art,” an informal category that extends beyond the specifics of style to include artists as diverse as Kokoschka and his Puppe, Picabia’s drawings of mechanical women, Bellmer’s notorious articulate­d dolls and even Nicolas Schöffer’s cybernetic sculptures that move just like us. This is about a sometimes joyous and sometimes morbid fascinatio­n with human beings rendered mechanical. Franz Kafka took a similar approach in his “Metamorpho­sis,” sited in a place where doubt traverses the very principle of human “nature,” amix of human self-mastery and an indisputab­le sense of human fragility. Schinwald’s remarkable ability to draw us into a world of such unreassuri­ng values to celebrate our humanity consolidat­es the timeless quality of his so deliberate­ly oldfashion­ed work. The presence of the past is not a sign that Schinwald is going against the tide of our time. As we all know, our existentia­l anguish and indecision as to who we really are is perpetual and knows no calendar.

Translatio­n, L-S Torgoff

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