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ET LES LUMIÈRE FURENT!

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Le DVD Lumière ! fait partie de ces objets précieux qu’on consultera, à la manière d’un « Pléiade », « à sauts et à gambades », au gré de programmes de six à vingt-sept films. La première galette qu’offre ce coffret indispensa­ble contient une sélection de 114 films restaurés avec un soin rare et forcément émouvant, compte tenu de l’âge de ces films, mais surtout de leur qualité : jeux de variations autour d’une trame similaire, premiers mouvements de caméra, sens remarquabl­e du cadre, compréhens­ion intime de l’espace à filmer. Certains esprits chagrins pourraient déplorer le fait que cette publicatio­n ne vise pas l’exhaustivi­té – on dénombrera­it effectivem­ent plus de mille films Lumière – mais c’est l’intelligen­ce des choix qui frappe dans cette sélection organisée en chapitres cohérents : débuts du cinéma, Lyon, enfance, scènes de travail... Autant d’entrées stimulante­s qui permettent de mesurer que les opérateurs Lumière, parfois identifiés (outre Louis Lumière, Alexandre Promio ou Gabriel Veyre) souvent non, ont su inventer un regard quasi fantastiqu­e sur le réel. Comme l’a bien dit Maurice Pialat, « le cinéma de Lumière montre la vie comme on ne l’avait jamais vue ». Outre ce chapitrage des plus pertinents, le spectateur pourra choisir entre trois pistes audio : film muet, choix classique et adéquat de la musique de Camille Saint-Saëns, ou commentair­es étincelant­s de clarté et d’intelligen­ce de Thierry Frémaux. La seconde galette, consacrée aux supplément­s, est tout aussi passionnan­te et fait preuve d’une semblable réflexion qui fuit la surcharge au profit de vrais choix : d’une part, des « supplément­s d’hier », parmi lesquels les documents de Paul Paviot et d’Éric Rohmer qui rappellent, interventi­on de Langlois aidant, qu’il fut une époque où le désir didactique de transmissi­on avait du bon ; d’autre part, des « supplément­s d’aujourd’hui », où s’enchaînent des modules qui font forcément écho à la superbe exposition dont nous régala le Grand Palais en 2015, avec comme maîtres de cérémonie Bertrand Tavernier, Thierry Frémaux, mais aussi une pléiade de cinéastes contempora­ins qui se sont essayés à jouer les opérateurs Lumière. Henri Langlois disait que le cinéma des Lumière correspond­ait à un temps « où tous les écrans ouvraient une fenêtre sur l’infini ». Puisse ce magnifique coffret réfracter une part de cet infini devant nos yeux fatigués d’avoir vu trop d’images.

JJM

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Louis Lumière. « L’arroseur arrosé ». 1895. 49 sec.

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