Art Press

Maxence Caron (éd.)

- Thomas A. Ravier

L’art de l’insolence. Rivarol, Chamfort, Vauvenargu­es

Robert Laffont, 1536 p., 34 euros « Un homme à qui la nature a tout donné et à qui la société dispute ou refuse tout ne peut rien pour ce monde, et ne travaille que pour la postérité. » Le souvenir de Rivarol, l’auteur de ces lignes, est généraleme­nt associé à une forme de persiflage politique s’exerçant contre la tournure criminelle de la Terreur (c’est « le premier esprit antitotali­taire », écrit la préfacière Chantal Delsol). Mais en réunissant ses oeuvres complètes en un volume, associées à celles de Vauvenargu­es et Chamfort, Maxence Caron invite au spectacle fédéré d’une langue française d’autant plus électrisan­te qu’elle s’inscrivait « dans le tissu d’un style clair et sage », langue que Rivarol distribua à merveille, tirant parti des propriétés du français comme personne. La lecture de ce trio diabolique du 18 siècle personnifi­ant un art de l’insolence universel n’en rend que plus frappantes, et la frugalité dialectiqu­e, et la mollesse rhétorique d’une époque, la nôtre, qui prétend s’être fait une spécialité de l’ironie qu’elle confond avec la dérision nihiliste. Invité dans un talk-show à la mode et livré aux sarcasmes grossiers du chroniqueu­r public, Rivarol aurait tôt fait d’exécuter l’imposteur. Qu’estce qui distingue « le clash », en vogue sur les réseaux sociaux, de l’épigramme des Lumières ? Le moraliste du « charlatan de la morale » ? « Le Français par excellence » (Rivarol selon Voltaire) du Français par fatalité ? L’ironie de la dérision ? Le style ! Oui mais encore... « Si le jugement défend d’écrire comme on parle ; la nature ne permet pas de parler comme on écrit. » Il y a donc, entre les deux, un passage éloquent, clair et rapide, que la plupart des hommes, « si resserrés dans la sphère de leur condition », ne franchisse­nt jamais. Ce passage, c’est celui, tout simplement, de la pensée.

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