Claude Arnaud
Je ne voulais pas être moi
Grasset, 176 p., 17 euros Le dernier « roman » de Claude Arnaud se pose comme une oeuvre à la fois pleinement ancrée dans les grandes lignes de la mouvance autofictionnelle et assez singulière pour mériter que le lecteur le plus exigeant s’y arrête. Construit comme une réponse apparemment indirecte à Qu’as-tu fait de tes frères ? (2010), Je ne voulais pas être moi indique dès le titre que le rassemblement identitaire de ses strates de vie constituera l’objectif principal de l’auteur et de son écriture rétrospective : du TU au MOI en passant par le(s) JE. Se penser comme « locataire de son être » avant d’en devenir le « propriétaire », sinon serein, au moins réconcilié : tel pourrait être l’arc de la trajectoire que le lecteur accomplit avec Claude Arnaud. Pas d’exhibitionnisme mais un étonnement dénué de calculs et empreint de douleur au fil de moments dont le coeur demeure, plus encore que les rencontres amoureuses, la perte de ses deux frères aînés : l’un via un suicide avéré, l’autre de manière plus étrange – presque antonionienne – en mer. « Deux cadavres cohabitent en moi. L’un a le visage rongé par le sel, l’autre les traits soufflés par sa chute libre. Je suis leur vivant tombeau. » Claude Arnaud se montre élégant, en quête de l’expression juste qui scande un déroulé où il ne nous, ni ne s’octroie la moindre concession face à ces temps de l’existence où s’affirment les vanités de l’amour, des mondanités littéraires ou de l’expérience haïtienne durant laquelle s’accentue la nécessité vitale d’un changement de peau. Le lointain intérieur est comme exploré jusqu’à l’os d’une possible dissolution avant un possible retour au flux de l’existence. « L’homme arrive novice à chaque âge de sa vie », avait déclaré Chamfort qu’Arnaud a commenté dans un bel essai.