Jean-Yves Jouannais
La Bibliothèque de Hans Reiter
Grasset, 160 p., 17 euros Poursuivant par d’autres moyens le cycle de conférences-performances de l’Encyclopédie des guerres, entamé en 2008, dont la Bibliothèque de Hans Reiter, après l’Usage des ruines (2012) et les Barrages de sable (2014), recueille les chutes, le nouveau roman de Jean-Yves Jouannais envisage cette fois l’histoire des guerres sous l’angle de la plaisanterie. L’intrigue, d’inspiration borgésosebaldienne, trimballe un narrateur désorienté sur la piste de la page manquant à chacun des centaines de numéros, achetés en salle des ventes, d’une mystérieuse bibliothèque si étrangement désassortie que son thème précis lui apparaît toujours moins clair. L’enquête prend la forme d’une sorte de parcours initiatique guidé par un intimidant cornac, au terme duquel se révèle à ses yeux dessillés cette vérité, si grave qu’elle doit à tout prix rester secrète : la guerre pourrait n’être qu’une blague de mauvais goût qui aurait mal tourné. Les blagues de la guerre ne sont pas toujours beaucoup plus drôles que la lugubre citation de Tacite autour de laquelle s’organise le récit (« Quoi qu’il en soit, comme l’hiver était proche et que le fleuve inondait les plaines, l’armée se mit en marche, sans convoi »), illustrant ces fausses marches et ces ratés dérisoires qui, entre les moments symphoniques des batailles, sont la petite monnaie quotidienne des temps de guerre. Jouannais y accumule cependant une désopilante collection d’anecdotes, parmi lesquelles l’histoire, quelque peu controuvée, de ces aérodromes en bois que construisit l’occupant allemand derrière le mur de l’Atlantique afin de tromper les Anglais. Ceux-ci, prévenus de la supercherie, attendirent la fin des travaux pour expédier un avion qui largua une bombe… en bois.