Patrice Blouin
Hélium / Actes Sud, 96 p., 12,90 euros Et si les blockbusters, leur scénario bringuebalant, leurs pyrotechnies explosives sur fond vert et les corps augmentés par les puissances du numérique que l’on y croise pouvaient fournir un programme à la littérature ? Une littérature de multiplex qui recueillerait les effets spéciaux fleurissant sur les écrans. C’est cette hypothèse enthousiasmante qu’explore Patrice Blouin dans son quatrième ouvrage de fiction, Magie industrielle. Prélever dans des films comme Transformers, les Gardiens de la galaxie ou le Seigneur des anneaux l’impression laissée par quelques plans ouvre la voie à une expérimentation entre récit et visions fantastiques déclinées à la première personne. L’occasion pour l’auteur de poursuivre sa reprise singulière de la figure du super héros après Zoo : clinique (Gallimard, 2014) et ses patients mutants, mais en se servant ici des blockbusters et de leurs créatures pour se défaire des contraintes narratives. Là où cette production cinématographique affiche souvent un rythme décousu, la littérature trouve, dans le fil des transformations, destructions, combats et perceptions modifiées, de quoi ciseler une série de séquences où surgit une scène, parfois une histoire compressée, sorte de flash narratif : comme cette relation entre deux personnages qui nous est racontée le temps d’une chute dans le vide. Autre tour de « magie industrielle » réjouissant : et si la théorie se faisait poésie, comme un enchaînement de visions qui ajoutent au plaisir du lecteur en pulvérisant non seulement les villes et enveloppes corporelles, mais aussi les différents avatars de la distinction entre haute et basse culture. Il n’y a plus qu’à se laisser porter par le souffle de l’explosion, « torse en avant ».