Pascal Bonitzer
Capricci, 288 p., 20 euros L’auteur réticent en avertit prudemment le lecteur : sinon « datés », les textes qui composent ce recueil restent ceux d’une époque (ici : 19681986). À la lecture, ils en sont autant les produits que les tribuns inventifs et intelligents, ramassant avec eux la fortune d’une avant-garde théorique folle de psychanalyse et d’assignation politique, mais suffisamment soucieuse et éprise des bords pour laisser dialoguer les monolithismes conceptuels avec les perceptions paradoxales. Il n’est d’ailleurs pas incertain que cette alliance, pour l’aujourd’hui, reste salubre ; nombre de ces textes restent en tout cas sans héritiers, et la ligne qu’ils creusent mériterait une relecture attentive, ne serait-ce que pour la demande excessive – et donc exemplaire – qu’ils adressent au cinéma. Les textes de Pascal Bonitzer doivent beaucoup à la psychanalyse lacanienne et au marxisme, qui leur offrent de précieux outils d’articulation. Tous issus des Cahiers du cinéma (et pour certains, déjà publiés dans des recueils plus anciens), ils sont ordonnés ici en quatre ensembles, ensuite chronologiquement. Le premier regroupe de longues interrogations théoriques sur le triple lien entre spectateur, auteur et réalité filmée, où se nouent les notions cardinales de hors-champ, de plan, de regard, d’espace… On y retrouvera le célèbre « J. M. S. et J. L. G. », à propos de Jean-Marie Straub et Jean-Luc Godard, figures de proue des Cahiers, et leur usage de la voix contre l’image. Dans les sections suivantes (deux sont consacrées à Nagisa Oshima et Federico Fellini), des critiques de films – moins synthétiques – inspectent dans un style adroit et raffiné les partitions du désir au sein du cinéma, tout en exposant par endroits l’inclination et la fébrilité cinéphile de leur auteur.