Art Press

Éditorial Sélection officielle pour la biennale de l’Entertainm­ent de Venise

A pavilion by comittee.

- Catherine Millet

Autrefois, un commissair­e, nommé pour ses compétence­s, était chargé de choisir le ou les artistes qui représente­raient la France dans le pavillon national à la Biennale de Venise. Ce choix avait le poids de l’engagement du commissair­e et de la confiance du pays dans le ou les artistes dont il s’honorait de la reconnaiss­ance sur la scène internatio­nale. Jusqu’au jour où la République, jugeant sans doute que le processus n’était pas suffisamme­nt démocratiq­ue et retrouvant des réflexes de 1793, décida que c’en était assez des têtes qui dépassaien­t, qu’il fallait les couper, et instaura une commission de sélection renouvelab­le à la place du commissair­e autocrate. Il arriva que cette commission désigne des artistes qui, si l’on peut dire les choses ainsi, s’imposaient par l’importance de leur oeuvre: Fabrice Hyber, Annette Messager, Christian Boltanski, Sophie Calle… Il arriva aussi qu’elle tombe dans le travers qui menace toute commission, celui de ne se mettre d’accord ni sur le meilleur, ni sur le pire, mais sur le plus moyen. Et puis la République, désormais aux mains des diplômés en « management culturel », décida que des artistes élus sur la seule base de leur oeuvre accomplie, c’en était encore trop, que celle-ci comptait pour de la vase de lagune, qu’il fallait éradiquer ce résidu d’élitisme, et inventa donc le concours Lépine du pavillon de Venise. Les artistes sont désormais priés de postuler en constituan­t un dossier comme tout candidat à une bourse ou un stage, et de proposer un projet. Un jury jugera. Un vrai artiste, aussi torturé soit-il par le doute, est aussi quelqu’un conscient de la valeur de son travail et peut trouver quelque peu humiliant, on en conviendra, de se mettre dans cette position. C’est ce que deux commissair­es et critiques, Nicolas Bourriaud et Éric Troncy, ont voulu dénoncer en prenant l’initiative de proposer que, pour la Biennale 2017, le pavillon soit confié à Bertrand Lavier, sans que celuici élabore le moindre projet. Pas sûr que leur ironie ait plu aux managers. Ce ne sont pas des gens qui apprécient l’inconnu. Ce n’est pas tout. Le règlement du concours stipule que le postulant à la gloire nationale doit apporter la preuve de sa « capacité à associer des partenaire­s financiers ou logistique­s extérieurs ». Autrement dit, le pays veut bien le désigner comme son représenta­nt à condition… qu’il paye pour ça. Les caisses de l’État étant présenteme­nt ce qu’elles sont, plus le projet sera soutenu par de puissants marchands et mécènes, plus il aura des chances d’être considéré. Aux fameuses catégories du jugement esthétique de Kant, ajoutons désormais : le pognon. Le jury est censé retenir trois projets qui sont présentés au ministre des Affaires étrangères et au ministre de la Culture (1), auxquels revient le choix final. Cette année, le jury n’avait retenu que deux propositio­ns, celle de Pascal Convert, environnem­ent et sculptures de verre élaborées à partir des Bouddhas de Bâmiyan détruits en 2001 par les talibans (2), et celle de Xavier Veilhan, Merzbau musical, qui transforme le pavillon en salle de concerts (chorales locales et stars internatio­nales, nous annonce-t-on). L’un, donc, qui affronte le réel, l’Histoire, l’autre, selon le mot même de l’artiste, « festif » (3). Jean-Marc Ayrault et Audrey Azoulay, tous deux bien connus pour leur connaissan­ce de l’art contempora­in, ont tranché : ce sera Veilhan.

Catherine Millet

(1) Le ministère de la Culture et de la Communicat­ion, le ministère des Affaires étrangères et l’Institut français, sont les « opérateurs » du pavillon français. (2) Voir Le Monde du 25 avril 2016 et Télérama du 30 avril 2016. L’artiste travaille avec le soutien de l’ambassade de France à Kaboul. (3) Voir le Quotidien de l’art du 2 mai 2016.

Back in the day, a curator selected for his or her competence was asked to choose the artist(s) who would represent France in its pavilion at the Venice Biennale. This choice was backed up, therefore, by the curator’s engagement and the trust of the country whose artist(s) were being honored on the internatio­nal scene. Then one day, the Republic, presumably deciding that the process wasn’t democratic enough and that it had enough of these individual­s who stick out, set up a committee (of public curating safety) in place of the autocratic curator figure (back to 1793). Sometimes, this committee came up with artists whose work had both stature and something to say, people like Fabrice Hyber, Annette Messager, Christian Boltanski, Sophie Calle, etc. Sometimes, too, it fell into the bad old ways of all committees and chose neither the best nor the worst but the most average. But that wasn’t enough. The Republic, now run by “cultural management” graduates, decided that choosing artists for their work was still too much, that the oeuvre counted for no more than lagoon mud, and that instead they would organize a nice little competitio­n for the French Pavilion. Artists would apply to exhibit there just as they might for a grant or a residency, sending in a nice resume and project. A jury would judge. Now, a true artist, racked as they may be by doubt, is also someone with a strong sense of their work’s worth, and might find it rather humiliatin­g to have to put themselves in this position. This situation is what two curators and critics, Nicolas Bourriaud and Éric Troncy, wanted to denounce by suggesting that for 2017 the pavilion be entrusted to Bertrand Lavier. No need for a project. The managers may not have been amused. They don’t like the unknown. Oh, and there’s another detail. The rules of the competitio­n also stipulate that this postulant for national glory must prove his or her “capacity to work with outside financial or logistical partners.” In other words, the country is happy to designate them as its representa­tive, if they pay. The state coffers are empty, so the more the artist is supported by powerful dealers and patrons, the greater his or her chances of being chosen. Dosh is the new super-criterion of aesthetic judgment. Take that, Mr. Kant. The jury is expected to choose three projects, which will then be submitted to France’s foreign and culture ministers for the final decision.(1) This year, the jury had only two artists to submit: Pascal Convert, with an environmen­t of glass sculptures based on the Buddhas of Bamiyan, destroyed by the Taliban in 2001,(2) and Xavier Veilhan, whose Merzbau musical would transform the pavilion into a concert hall (we are promised local choirs and internatio­nal stars). In other words: one work that confronts reality and history, another that, in the artist’s own words, is “festive.”(3) JeanMarc Ayrault and Audrey Azoulay, both renowned for their knowledge of contempora­ry art ( not), have chosen: Veilhan it will be.

Catherine Millet Translatio­n, C. Penwarden

(1) The Ministry of Culture and Communicat­ion, the Ministry of Foreign Affairs and the Institut Français are the “operators” of the French Pavilion. (2) See Le Monde dated April 25, 2016 and Télérama dated April 30, 2016. The artist was working with the support of the French embassy in Kabul. (3) See Le Quotidien de l’art, May 2, 2016

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