Art Press

Margaux Bricler ; Nicholas Nixon

- Julie Crenn Étienne Hatt

Galerie Michel Rein / 19 mars - 7 mai 2016 Un langage à la fois poétique et conceptuel est inscrit au coeur de la nouvelle exposition personnell­e de Margaux Bricler, Un oeuf, un caillou, un chat. On retient plus particuliè­rement la dimension secrète du langage : entre l’oeuvre et le regardeur, entre deux êtres, de l’un à l’autre. Qu’il soit véhiculé par les mots, les objets, les images (fixes et vidéo) ou le son, le langage circule dans les deux espaces. Les oeuvres, richement référencée­s, nous mènent de Georges Bataille à Andreï Tarkovski, en passant par Michel Foucault ou Antonio Vivaldi. Aux références artistique­s et littéraire­s s’ajoute une part d’ésotérisme, d’astronomie, de physique, de sémiotique ou encore de philosophi­e. Les oeuvres fonctionne­nt comme un jeu de piste dont l’objectif serait la déroute, la perte et une forme de frustratio­n. L’impossibil­ité plane sur notre quête de compréhens­ion. Ainsi, la prose du monde – un langage étendu et complexe – est traduite de manière fragmentée à l’image des constellat­ions et des cartograph­ies qui s’égrainent au fil des oeuvres. À la manière d’un jeu de cartes ou d’un jeu de dés, il nous faut décrypter les mots et les choses, explorer les combinaiso­ns, reconnaîtr­e le vocabulair­e, reconstitu­er la grammaire, pour tenter de déchiffrer le sens d’une langue qui réclame aussi bien l’effort que le lâcher-prise. Il nous revient alors de jouer le jeu de l’insaisissa­ble, céder à la déambulati­on poétique ou tout mettre en oeuvre pour décoder les énigmes et les métaphores existentie­lles. Margaux Bricler’s new solo show, Un oeuf, un caillou, un chat (Egg, pebble, cat) speaks in a language that is simultaneo­usly poetic and conceptual. What’s most striking about this language is its secret dimension: between the artwork and the viewer, between two people, from one to the other. Whether this language is conveyed by words, objects, images (still photos and videos) or sounds, it circulates between both spaces. The richly referentia­l works takes us from Georges Bataille to Andrei Tarkovsky, with Michel Foucault and Antonio Vivaldi in between. The artistic and literary citations are overlaid with esotericis­m, astronomy, physics, semiotics and philosophy. The artworks function like a treasure hunt whose objective is debacle, loss and a kind of frustratio­n. The shadow of impossibil­ity falls on our quest for comprehens­ion. The prose of the world, a sprawling, complex and ever-elusive language, is translated, fragmentar­ily, into the images of constellat­ions and cartograph­ies that run through Bricler’s work. As if playing a game of cards or dice, we have to decode the words and the things, explore combinatio­ns, recognize the vocabulary and reconstitu­te the grammar in an effort to tease out the meaning of a language that requires us to both hold on tight and let go. We have to make a choice, play the game of the ineffable, give in to poetic meanders, or try as hard as we can to decode the existentia­l enigmas and metaphors.

Translatio­n, L-S Torgoff En 2012, la première exposition à la galerie Éric Dupont du photograph­e américain Nicholas Nixon revenait sur les séries fameuses, ses travaux sur la ville de Boston, ou The Brown Sisters, suite initiée en 1975 et toujours en cours de portraits annuels de sa femme et de ses trois soeurs. La deuxième, Old and New, donne à voir une oeuvre polarisée entre saisie pudique de l’intimité du photograph­e et regard sensible sur la douleur des autres, ici surtout un extrait de People with AIDS qui, à la fin des années 1980, suit des malades du sida sur plusieurs mois. Aucune contradict­ion pourtant, car une même retenue, dépourvue de froideur, caractéris­e ces séries marquées par le temps. Le temps collectif de la ville étant absent, il s’agit du temps individuel, de son passage et de sa fin, mais aussi de ses commenceme­nts, comme le montre un magnifique portrait fragmentai­re de 1985 de sa femme et de sa fille dont ne pointe dans le cadre que le petit poing de nouveauné. L’oeuvre de plus de quarante ans de Nixon pourrait se poursuivre sans grande surprise. Ce serait compter sans une rupture – le mot peut sembler fort – récente et technologi­que. Nixon a, en effet, troqué sa grosse chambre photograph­ique et ses épreuves par contact pour le numérique. Les tirages sont moins beaux, peut-être plus plats, mais les photograph­ies de son oeil – un motif ancien chez lui – semblent des macrophoto­graphies qui, par accumulati­on de détails hallucinat­oires, basculent dans une autre réalité. American photograph­er Nicholas Nixon’s first show at the Éric Dupont gallery in 2012 featured his famous series on Boston and The Brown Sisters, portraits of his wife and her three sisters taken every year since 1975. His second show, Old and New, reveals a corpus polarized between a discreet capturing of his own feelings and a sensitive eye for the suffering of others, especially noticeable here in the photos from People with AIDS, made in the late 1980s when he repeatedly shot his subjects over the course of several months. There is no contradict­ion between the two endeavors, because the same kind of restrained yet never cold approach characteri­zes all these series. They are embedded in the time when they weremade—not the collective time of the city but individual moments, the passage and end of time for particular people, and its beginning too, as shown by the magnificen­t 1985 portrait of his wife and daughter, a newborn’s tiny fist jutting into the frame. It might seem that after forty years Nixon’s work would hold no surprises, yet there has been a real rupture recently, which began when he traded in his large-format view camera and its equally large contact prints for digital technology. The prints are less beautiful, perhaps flatter, but the images of his eye—an old theme in his work—seem like macrophoto­graphs that, through the accumulati­on of hallucinat­ory details, seem to tumble into another reality.

Translatio­n, L-S Torgoff

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