Les « affaires » de l’art ne sont pas l’art Commerce is not art
Comme je relisais des textes de Donald Judd pendant ce laps de temps entre la foire de Bâle et la Fiac à Paris, les lignes qui suivent m’ont paru avoir une belle pertinence. Peu de choses seraient à changer pour actualiser complètement. À apprécier, en attendant la rétrospective de Donald Judd, dans un an, au MoMA, à New York. CM « Une grande oeuvre ne se construit pas à toute allure. Les grandes expositions et les grandes collections, généralement montées ou réunies à la va-vite, sont la négation même de l’attitude responsable vers laquelle on devrait tendre. Dans les années 50 et 60 à New York, on se moquait de Joe Hirschhorn parce qu’il achetait huit oeuvres d’un coup à un artiste, presque à n’importe qui. Il ne prenait pas de risque ; il mitraillait tout ce qui bougeait. Cette attitude bizarre est devenue la règle. Aujourd’hui, des gens comme Saatchi et Panza sont considérés comme des héros. […] Les grandes expositions, comme les foires internationales d’art, et la majorité des grandes collections et des expositions organisées par les musées participent du marché de l’art et du monde des affaires. Le public, mais aussi les jeunes artistes qui sont totalement dupes, en viennent à penser que les “affaires” de l’art ont quelque chose à voir avec l’art. Le commerce n’est pas l’art. [...]. Gagner sa vie aux dépens de l’art n’a rien à voir avec l’art. Comme je l’ai écrit, ce sont les honnêtes petites galeries – il y en a – qui fournissent aux artistes le moyen de survivre. On les connaît aisément pour ce qu’elles sont : des commerces, et il serait difficile de faire passer leurs activités prosaïques pour une “nouvelle tendance artistique” ou une “manipulation” du marché. Le peu d’argent que les artistes puissent espérer tirer de leur art, c’est de ces galeries qu’il vient. Et certainement pas des grandes et coûteuses expositions ni des collectionneurs qui ressemblent à des marchands de discount. Il ne vient pas non plus des gouvernements qui, eux aussi, achètent en gros, et “mitraillent”. […] « Ces nouveaux entrepreneurs, comme les “ingénieurs culturels“bureaucrates et gouvernementaux, ont besoin d’une justification dans la mesure où ils ne produisent rien. C’est-à-dire qu’il leur faut trouver les raisons d’obtenir des budgets et de les dépenser ; cela implique habituellement qu’on fasse référence au “bien” du public, dont on flatte les goûts kitsch et l’ignorance. […] Les grandes expositions et les grandes collections tentent de prouver que l’art est “institutionnalisable”, que c’est O.K., que ça n’a rien de subversif. Et que cela participe d’un même système économique. Et du même système éducatif et culturel. Que peut-il arriver de meilleur aux entrepreneurs que la transformation réelle et définitive de l’art telle que l’opèrent les foires internationales, les grandes expositions et les grandes collections ? Où arriverons-nous alors ? Un nouveau type d’art réactionnaire, “néo”, destiné aux masses, ne profitera à personne. Mais il est clair que c’est ce qui est en train de naître aujourd’hui. » Not long after ArtBasel and before the FIAC in Paris I was rereading the writings of Donald Judd, who is due for a retrospective at MoMA next year, and it struck me that the following lines remain highly applicable. Only modest changes are needed to make them seem perfectly contemporary.
C.M. “Goodwork is not made by the shotgun approach. Vast exhibitions and collections, usually shotgun, are an abrogation of responsibility, a responsibility which should be interesting. In the fifties and sixties in New York people laughed at Joe Hirshhorn for buying eight at a time of an artist’s work, almost any artist’s work. He played it safe; he machine-gunned the field for signs of life. This bizarre attitude became standard and now such as Saatchi and Panza are heroes […] The large exhibitions, which of course are like the art fairs, most large collections andmanymuseum exhibitions are part of the art business. The public and also young artists, not being able to know better, begin to think that the art business somehow has something to do with art. Commerce is not art. [...] As I’ve written, honest small businesses, as some galleries are, provide necessary money for artists. These galleries are easy to recognize as businesses and their prosaic activities are hard to turn into a new kind of ‘art’ or other ‘hype.’ Whatever real money there is for art comes from sales in the galleries. It doesn’t come from large and expensive shows or from discount store collectors. Neither does it come from central governments, also shotgunning. Machine-gunning. […] Entrepreneurial commerce and the entrepreneurial bureaucrats in government, being unproductive, need justification, which means that they must search for reasons for having and spendingmoney, which always involves an appeal to the public good, which usually includes an invocation of public kitsch, that is, public ignorance. […] The large exhibitions and collections are attempts to show that art can be institutionalized after all, that it’s o.k., that it isn’t subversive and that it’s part of the same economic system and the same educational and cultural system. And then what better can happen for the entrepreneurs than that the art fairs, the large exhibitions and the large collections actually, finally, modify art? And then where are we? A new, ‘neo,’ reactionary art for the masses doesn’t benefit anyone. But clearly such an art is being made now.” in “Ausstellungsleitungstreit” (Battle of the Curators), Chinati Foundation newsletter, vol. 13, p. 46.