Biennale de la photographie
Divers lieux / 4 juin - 4 septembre 2016 Le festival de Mulhouse, dont c’est la deuxième édition, est-il encore prometteur ou déjà important ? Il a étendu son territoire à d’autres communes et traversé les frontières : Fribourg accueille notamment la première exposition personnelle de Rebecca Topakian, composée d’extraits de ses travaux sur la jeunesse festive qui isolent des individus pris dans la transe collective. Violemment éclairés par un flash ou réduits à l’état de spectres par l’infrarouge, ils semblent moins communier avec le groupe qu’évoluer chacun dans son monde. Car le thème de cette édition est l’Autre et le même. Il est décliné en neuf expositions, dont la principale se tient au musée des beauxarts qui, doté en orientalistes par la bourgeoisie mulhousienne, invite à aborder la question de l’ailleurs et de l’exotisme. Cette exposition collective est une réussite qui multiplie les échos entre des présentations monographiques autonomes de natures et d’époques différentes. Y figurent des corpus provenant de la bibliothèque et des archives municipales, comme les albums touristiques attribués à Alfred Georges Engel qui illustrent un voyage de 1904 en Orient. Ils dialoguent avec les pérégrinations entre burlesque, tragique et onirisme de Yaakov Israel en Israël. Outre ce lien entre archives et jeune création, cette exposition est servie par les travaux des deux artistes ayant bénéficié d’une résidence à Mulhouse. Quoique très différents l’un de l’autre, ils brouillent les notions de territoire au profit de la création d’un lieu singulier. Pascal Amoyel associe avec subtilité et jusqu’à l’indétermination le sudest des États-Unis et le Rebberg, quartier mulhousien au fantasme américain, comme en témoigne telle villa de style Nouvelle-Orléans. Vincent Delbrouck présente quant à lui une impressionnante installation où figurent aussi des vues prises au Népal et à Cuba, territoires d’élection de l’artiste. Sa constellation d’images, qui est pour Delbrouck une succession intuitive d’intensités différentes plus qu’un récit ou une pensée visuels, est une forme qu’Anne Immelé, directrice artistique de la biennale, affectionne particulièrement. Ainsi, cette biennale n’a pas d’exclusive, mais elle affirme aussi des choix. La constellation en est un. Le modèle de l’enquête en est un autre : Anna Meschiari réunit une documentation autour des extra-terrestres et des ovnis, quand Livia Melzi fait revivre la figure d’Hercule Florence, Français installé au Brésil et inventeur malheureux de la photographie dont tous les tirages envoyés en France sont arrivés blancs. Si Meschiari réactive des archives en leur adjoignant des images qui ouvrent le hors-champ des possibles, Melzi en recrée. Elle présente, dans un cabinet de curiosités, ses photographies reconstituant un herbier disparu d’Hercule Florence et d’apparentes reliques de l’inventeur, cet expatrié qui alla jusqu’à dessiner, à la suite des ordres classiques européens, un ordre architectural brésilien dit palmien – exemple s’il en est de l’effacement de soi dans l’altérité. The Mulhouse Festival has come round to its second edition. Is it a promising newcomer or an important presence? It has extended its territory to other towns and crossed the border: Fribourg (Switzerland) is hosting the first solo show by Rebecca Topakian, made up of excerpts from her work on festive youth, with pictures homing in on individuals caught up in the collective trance. Violently lit by a flash or reduced to specters by infrared, they seem to be lost in their own worlds, unable to communicate with the group. The theme of this edition, it so happens, is “the Other and the Same.” This is explored in nine exhibitions, the main one being at the municipal art museum whose rich collection of Orientalist paintings (a gift from the local bourgeoisie) made it particularly well positioned to address the question of the elsewhere and of exoticism. This group show is a success, setting up multiple connections between a series of autonomous monograph shows that are diverse both in style and period. Here are collections from the municipal library and archives as well as tourist albums attributed to Alfred Georges Engel, illustrating his 1904 travels in the Orient. They dialogue with Yaakov Israel’s burlesque-tragic-oneiric peregrinations in Israel. In addition to this link between archives and young art, this show is nourished by the work of two artists who have benefited from residences in Mulhouse. Though very different, they blur the notion of territory the better to support the creation of a singular locus. Pascal Amoyel subtly combines the Southeast U.S. with the Rebberg quarter of Mulhouse, whose New Orleans-style architecture (a villa) denotes its American fantasies. It becomes impossible to tell the two apart. Vincent Delbrouck presents an impressive installation featuring shots of the artist’s beloved Nepal and Cuba, a constellation of images that is more an intuitive succession of different intensities than a visual narrative or idea. Anne Immelé, the Biennale’s artistic director, particularly favors this kind of form. The event is not restrictive, but its choices are clear. Apart from constellations, it is strong on reports and investigations. Anna Meschiari assembles documentation about UFOs and extraterrestrials, while Livia Melzi revises the figure of Hercule Florence, a Frenchman living in Brazil who invented photography but failed to gain credit because the prints he sent to France were blank on arrival. If Meschiari reactivates archives by adjoining images that open onto other possibilities, Melzi recreates them. Her cabinet of curiosities shows photos reconstituting a lost herbarium by Hercule Florence and what seem to be relics of the inventor, that expat who even went so far to adapt Europe’s classical orders into a Brazilian “palmian” order, a perfect example of losing oneself in alterity.
Translation, C. Penwarden