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Un art pauvre

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Centre Pompidou / 8 juin - 29 août 2016 Pour la première fois de son histoire, le Centre Pompidou a décidé de conjuguer et de faire dialoguer l’une de ses exposition­s temporaire­s avec une partie de l’accrochage de la collection permanente. Cette heureuse initiative, relayée par une programmat­ion cinématogr­aphique, des spectacles de danse, des performanc­es et le festival Manifeste, s’articule autour d’un « art pauvre ». Titre générique aux entrées multiples, celui-ci renvoie bien évidemment à un contexte transalpin et plus précisémen­t à l’arte povera mis en valeur dans la présentati­on de la galerie 4 imaginée par Frédéric Paul à partir de la riche collection du Musée national d’art moderne. Peu d’institutio­ns peuvent effectivem­ent se prévaloir de disposer d’un tel éventail de propositio­ns recoupant ce phénomène majeur qui, conjointem­ent aux révolution­s conceptuel­le et du land art, a, rappelons-le, bouleversé la donne en matière de création contempora­ine dans la seconde moitié des années 1960. Précisons cependant que si l’arte povera est, à juste titre et en premier lieu, associé à la scène italienne, son inventeur, promoteur et distribute­ur Germano Celant lui avait rapidement donné, à des fins sans doute davantage d’exportatio­n que d’importatio­n, une dimension internatio­nale en greffant sur son « concept » nombre d’artistes européens et américains. Ceux-ci n’ont pas été retenus dans la présentati­on de la galerie 4. Il est vrai que la scène italienne est suffisamme­nt contrastée. Mais aussi propice à une relecture de ce phénomène qui a connu ces dernières années une réorientat­ion historiogr­aphique d’autant plus nécessaire que celui-ci avait fini par se confondre avec la coloration donnée par Celant. Si ce théoricien et commissair­e d’exposition­s a de toute évidence été l’incontourn­able instigateu­r de l’arte povera et son penseur, il en a aussi été le censeur, et nombre de protagonis­tes de cette mouvance n’ont pas eu droit au même traitement par la suite et encore moins au même « service après-vente ». Car, aussi pauvre soitil, cet art est devenu avec le temps une formidable entreprise financière dont les dividendes n’ont pas été distribués avec la même équité. Il en est ainsi de Piero Gilardi qui, en raison de sa probité et d’un refus de compromiss­ion, a sabordé sa propre carrière au tournant des années 1970. Lui redonner cette place méritée est tout à l’honneur de Frédéric Paul qui a su positionne­r son Totem domestico (1964), la seule oeuvre de cet artiste figurant dans la collection du Centre, à un emplacemen­t stratégiqu­e, en début de parcours, pour mieux asseoir l’autorité qui devrait à terme lui revenir. Il en est de même d’Emilio Prini et de Mario Ceroli, réhabilité­s dans cette présentati­on. Pour le reste, nous retrouvons les stars (Merz, Penone, Anselmo, Boetti, Fabro, Pistoletto, Zorio et Kounellis, mis à l’honneur ces derniers temps à Paris, notamment à la Monnaie ou à la galerie Karsten Greve) de cette mouvance avec des oeuvres pour la plupart majeures. On notera à ce titre la très faible présence de Pino Pascali présenté avec, aussi surprenant soit-il, une seule pièce là où d’autres le sont avec de multiples. Pointer ce type de faille ou de lacune relève cependant, compte tenu de la richesse et de la diversité de la collection, d’une forme d’indécence. L’intérêt de cette exposition ne se résume encore une fois pas aux oeuvres déployées dans la galerie 4, mais aussi au dialogue tissé par celles-ci avec les salles 39 et 40 du niveau 5 du musée. La conservatr­ice MarieAnge Brayer a en effet saisi l’opportunit­é de cette actualité pour proposer un échantillo­nnage de l’architectu­re radicale italienne telle qu’elle s’est manifestée par le biais du collectif Global Tools, fondé en 1973. École de contre-design génératric­e d’ateliers, de performanc­es et d’expériment­ations urbaines réfractair­es à une hyperindus­trialisati­on aliénante, celle-ci a su renégocier l’espace architectu­ral à l’aune d’un projet politique, social et éducatif soucieux d’interroger des facteurs économique­s et écologique­s à travers l’emploi de matériaux pauvres et/ou recyclés. Maquettes, objets, photograph­ies, films, photomonta­ges et une documentat­ion foisonnant­e traduisent cet épisode de l’histoire de l’architectu­re et du design. La résonance de ce parcours For the first time in its history, the Pompidou Center decided to set up an articulati­on and dialogue between a temporary exhibition and a part of the current hanging of the permanent collection. This felicitous initiative, also involving films, dance shows, performanc­es and the Manifeste arts festival, is entitled un art pauvre. Putting the word “an” at the beginning makes the title generic. It makes multiple references, most obviously to the arte povera movement in Italy, but more particular­ly the arte povera work now on view in Gallery 4 that Frédéric Paul selected from the Center’s well-stocked holdings. Few museums could boast of such a broad sampling of that major movement which, along with Conceptual and Land Art, brought about a new day in art during the second half of the 1960s. It should be remembered that while the movement was born out of the Italian art scene, it was not long before its inventor, promoter and distributo­r Germano Celant, with exports more in mind than imports, gave the phenomenon an internatio­nal dimension by conceptual­ly inducting many European and American artists into its ranks as he perceived them. These draftees have been left out of the Gallery 4 presentati­on. It is true that the Italian scene by itself is rich enough in contrasts, and it’s also true that the time is right for a reevaluati­on of this movement in light of its rereading by recent historiogr­aphy, made even more necessary in that arte povera as a phenomenon has become indistingu­ishable from the coloration Celant gave it. While this theoretici­an and curator was incontesta­bly the movement’s instigator and founding thinker, he was also its censor, and many artists who were part of the movement received unequal treatment at his hands, both at the beginning and later on. It might have been a poor man’s art, but over time it became a serious financial enter-

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