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Ceci n’est pas une ville

- François Poirié

Flammarion, 196 p., 16 euros Dès son arrivée à Los Angeles en 2006, Laure Murat en est tombée « amoureuse ». C’est le mot qu’elle retient. Amoureuse de son hétérogéné­ité, de ses disproport­ions, de son absence de monuments et de véritable centre, ce qui crée une impression de liberté. « L.A. est une ville anti-phallique ; elle accueille et n’impose rien. » Le récit de Laure Murat – qui a écrit sur Adrienne Monnier et Sylvia Beach, ou encore sur la passion de la « relecture », toujours dans ce même style fluide et posé qui n’exclut pas la passion – nous fait ressentir Los Angeles plutôt que la visiter froidement. L.A., qui est le contraire de Paris, le contraire de l’Histoire, de la contrainte, parce qu’elle échappe toujours. Parce qu’elle possède une lumière unique où notre corps est plongé : le rapport à L.A. est érotique et doux comme un printemps éternel. Ville de la déconstruc­tion aussi, où le sens ne cesse de proliférer. Laure Murat enseigne à L.A. et s’étonne qu’autant d’étudiants s’intéressen­t pour leur seul plaisir au français et à sa littératur­e. Quant aux dîners avec ses amies, ils sont enjoués, frémissant­s ; tout va vite, ici, surtout l’intelligen­ce. Mais elle confirme ce que quiconque a séjourné aux États-Unis a éprouvé : les Américains ne s’engagent pas trop loin en amitié ; ils vivent dans « le mobile » perpétuel. Dans cette ville-monde, ce réflexe est accentué et les seuls points fixes sont la famille et la communauté. L.A. : 140 nationalit­és représenté­es, grande comme treize fois Paris, la distance comme promesse, d’où cette ouverture d’esprit que certains ne perçoivent pas, un peu perdus… Pour finir, Laure Murat se devait d’évoquer le palmier – arbre fétiche de Roland Barthes, rappelle-t-elle – et qui est à L.A. ce que la tour Eiffel est à Paris : son signe héroïque.

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