Art Press

À la fin le silence

- François Poirié

Seuil, 170 p., 16 euros Dans ce court roman, Laurence Tardieu engage sa narratrice dans une situation que nous avons tous connue: la confrontat­ion d’un drame personnel (ici la vente de la maison familiale, à Nice, qui incarne l’enfance, la mémoire, la joie) et d’une tragédie collective (les attentats de Paris, en janvier et novembre 2015, et ce temps nouveau de la menace imprévisib­le permanente). Pour apaiser sa souffrance, la narratrice avait commencé d’écrire un livre sur cette maison rayonnante qu’elle perçoit comme un être vivant. Les attentats rendent tout projet dérisoire. Mais les mots demeurent le seul salut pour tenter d’expliquer à ses enfants, et à elle-même, cette violence, cette défaite du sens, ce désastre. Elle veut « comprendre », mais elle ne sait pas quoi : le sentiment d’une unité perdue ? Un soir, elle assiste à une représenta­tion de Platonov de Tchekhov et constate que l’art, celui-là en tout cas, « tient » face à la barbarie, miraculeus­ement. La narratrice se plonge dans la lecture d’interviews d’écrivains confrontés, chaque jour, dans leur pays, aux attentats : David Grossman, Zeruya Shalev, Aharon Appelfeld. Certains disent que la menace les tient éveillés. Appelfeld, lui, précise avec justesse : « Il n’y a plus de centre, il y a une fragmentat­ion de tout. » Autre événement : la narratrice donne naissance à un petit garçon ; une vie nouvelle commence, mais hantée par les fantômes du passé, celui de sa mère notamment, dont elle livre un magnifique portrait à travers la seule évocation de son parfum. À la fin de ce roman au style limpide, quelquefoi­s un peu brut, qui lie le moi et le monde, une question essentiell­e se pose : que faire de notre vie, chacun et tous ensemble, alors que nous sommes en train de nous réveiller d’un long sommeil ?

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