Chambres closes. Art et claustration à l’âge du roman policier
Hazan, 256 p., 16 euros Le sous-titre est en partie un leurre. Il est certes question de romans de chambre close, genre policier dont le Mystère de la chambre jaune (1907) est l’un des exemples les plus connus, mais ce n’est qu’une des pistes suivies dans ce livre. Ce sont plus largement les « fictions » de l’espace intérieur, les images humoristiques ou angoissantes de la « paix du foyer gagnée par le vertige », les « turbulences variées » qui troublent la vue d’intérieur entre le milieu du 19 et celui du 20 siècle qui occupent Emmanuel Pernoud. Les douceurs et les terreurs de la claustration, les désirs troubles du repli et les rêves d’intrusion ne se laissent pas dissiper sous la lumière froide de l’investigation policière. L’auteur nous fait ainsi pénétrer dans les chambres closes à travers l’oeil amusé de Daumier sur les séances de spiritisme ou les vignettes burlesques qui offrent la vision d’une rébellion des objets du quotidien mettant les intérieurs bourgeois sens dessus dessous. Les tableaux de Hopper qui réalisent le désir de voir sans être vu, les scènes d’intérieur à la menace diffuse de Vuillard ou Munch, les explosions de chairs enfermées dans les cadres-coffrages de Bacon, les chambres d’enfance et de carnage de Dado se répondent comme autant de chambres closes où la violence latente ou déchaînée déchire les promesses du confort. De belles pages sur Joë Bousquet introduisent au « cloisonnement fécond », dernière étape du livre. Alité dans la pénombre d’une pièce presque entièrement close, au milieu des tableaux de Max Ernst ou Josef Sima, l’écrivain accepte de mourir à l’existence sociale pour renaître au contact de la peinture. Double idéal de l’auteur même, retiré dans sa chambre close, aux prises avec les images et les mots.