Épiphanies
Trente-trois morceaux, 45 p., 15 euros James Joyce a parsemé ses récits et romans de textes courts qui, dans des méandres souterrains, articulent son oeuvre. Ce sont des chansons, des poèmes, des épiphanies. Ces dernières, au nombre de quarante, traduites par Jacques Aubert, sont rassemblées, pour la première fois de manière autonome, par la jeune et talentueuse maison d’édition lyonnaise Trente-trois morceaux – dont on saluera par ailleurs l’excellente édition de l’Énéide de Virgile dans la traduction de Pierre Klossowski. Ces épiphanies furent écrites entre 1901 et 1904, dans une période d’errements et de musique, jusqu’à celle où en une nuit Joyce dresse l’esquisse d’un récit autobiographique, Portrait du jeune homme en héros, et inaugure le devenir d’une oeuvre qu’il lui reste à écrire. De ces épiphanies, on pourrait penser qu’elles sont parmi les premiers pas d’une écriture en devenir. Épiphanies : comme des révélations spirituelles qui passent par l’observation du quotidien, des moments fugitifs de grâce, des instantanés sensualistes qui s’épanouiront longtemps dans l’esprit du lecteur. Ce sont des « parfums des corps [qui] ont senteurs humides et chaudes », des phrases à la maîtrise rythmique déjà parfaite : « À peine distinct, sous la lourde nuit d’été, à travers le silence de la ville qui, après avoir rêvé, se tourne vers un sommeil sans rêve, tel un amant rassasié que nulle caresse n’émeut, le son des sabots d’un cheval sur la route de Dublin. » Joyce voulait à l’origine publier en volume soixante et onze épiphanies. Le projet n’aboutira pas. Les quarante déjà écrites seront disséminées dans son oeuvre à venir. Réunies dans cet élégant volume, elles sont sans doute la rencontre la plus directe avec la langue et le rythme de Joyce. Ce sont, au sens propre, des révélations.