J’aurais voulu pouvoir vous les montrer
G3J, 154 p., 29 euros Il y a bientôt 35 ans paraissait chez Lattès – puis chez Ramsay – Écrits sur le cinéma, recueil de textes signés Satyajit Ray. Traduit de l’anglais d’après une récente édition indienne, un second volume lui succède aujourd’hui, où sont associés des propos du grand cinéaste bengali sur son art, des considérations sur l’histoire du cinéma et de ses techniques, des comptes rendus de festivals, une intervention devant des étudiants, des articles consacrés à d’autres cinéastes. À cette collection se joignent encore des dessins et croquis de Shakespeare ou de Tagore, de Chaplin ou d’Eisenstein, des affiches… Charles Tesson rappelle à raison dans sa préface que Satyajit Ray s’exprima dans maints domaines, cinéma et dessin, mais aussi musique et littérature, édition… Raison également de déplorer que son oeuvre soit « tombée dans un relatif oubli ». L’étrange titre français du livre, s’il semble faire écho à cette éclipse, reprend en vérité une phrase de l’acteur et cinéaste Charu Roy à propos de la perte d’une proportion considérable des films bengalis des premiers temps. Dans l’ensemble, le ton garde cette note à la fois humble et docte qu’on trouve souvent aux écrits de cinéastes, a fortiori ceux qui, comme Satyajit Ray, revendiquent d’aspirer au classicisme. L’ouvrage n’en est pas moins essentiel, pour sa démolition benoîte de Blowup, pour l’évocation du travail avec Jean Renoir sur le Fleuve, et plus encore pour celles de Pather Panchali, premier film et premier volet de la Trilogie d’Apu, de la difficulté pour un cinéaste de s’imposer en Inde – Ray invoque la nécessité d’une « individualité dominatrice » –, ainsi que de la méconnaissance coupable dans laquelle les oeuvres occidentales tinrent longtemps l’Orient.