Réinventer le musée. François Mathey, un précurseur méconnu
Les Presses du réel, 552 p., 26 euros Entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la normalisation des institutions de l’art contemporain après la création du Centre Pompidou, l’ancien système des Beaux-Arts finit d’agoniser. Dans une géométrie institutionnelle bousculée, où le centre est destitué par la périphérie, François Mathey, ancien inspecteur des Monuments historiques en FrancheComté, venu à l’art contemporain par les débats sur le renouveau de l’art sacré, conservateur puis conservateur en chef du musée des Arts décoratifs de 1953 à 1985, joue un rôle inattendu. Avec l’appui de Gaëtan Picon, la complicité de Pierre Restany, Harald Szeemann ou Michel Ragon, Mathey participa à la réinvention du musée, comme lieu moins hiérarchisé et plus ouvert, en mettant en place un service des publics précurseur. À travers les archives et les articles de presse qu’elle donne à lire de manière extensive, mais aussi grâce à de nombreux entretiens, Brigitte Gilardet restitue son parcours avec une grande précision et éclaire le contexte institutionnel. La succession des expositions organisées par Mathey donne au livre son rythme et le lecteur est embarqué dans leur montage parfois compliqué. On avait oublié que tant d’événements majeurs s’étaient tenus dans ce musée, qu’il impose comme le lieu central de l’art contemporain en France : Picasso (1955), Antagonismes II, l’objet (1962), l’Art brut (1967), les Machines célibataires (1976). L’histoire de la donation Dubuffet ou l’épisode mouvementé de Douze ans d’art contemporain (1972) au Grand Palais, dont le pilotage avait été confié à Mathey, sont également traités en détail. Le livre est très documenté et passionnant même s’il ne permet pas toujours de démêler la part exacte de Mathey dans ces multiples projets collaboratifs.