Éditorial Un microscopique éclat du Christ
A microscopic fragment of Christ. Jacques Henric
Après Michel Houellebecq, Maurice G. Dantec dans artpress? Dantec fut dans les années 1990, pour une génération de jeunes lecteurs, l’auteur de cultissimes romans mêlant polars et science-fiction (la Sirène rouge, les Racines du mal, Babylon babies), et d’essais de près de mille pages (son Journal métaphysique, le Théâtre des opérations suivi du Laboratoire de catastrophe général [Gallimard)]) qui provoquèrent de virulentes polémiques et qui le firent classer, avec Houellebecq et Muray notamment, dans la catégorie infamante des écrivains « réactionnaires ». Nous donnons plus loin les raisons et les circonstances, dont sa mort survenue le 25 juin dernier, qui nous ont amenés à publier l’entretien avec lui ouvrant les pages livres de ce numéro. Bref historique. C’est Michel Houellebecq qui nous le rappelait récemment ! : art press a été la première publication à lancer, en juillet-août 1999, le slogan : les « nouveaux réactionnaires ». L’auteur, Guy Scarpetta, désignait, parmi d’autres, Muray, Houellebecq et Dantec. En 2003, après la publication du pamphlet de Daniel Lindenberg, Rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires, je revenais, pour le contredire, sur le point de vue exprimé quatre ans auparavant. Alors, « réac », « néo-réac », « archi réac », « anar de droite », « extrémiste de gauche », « fasciste », « archéocatholique », Maurice G. Dantec ? Lisons ses écrits pour décider, tout simplement. Notamment les extraits que nous publions des propos qu’il a confiés depuis le Canada, à ses deux interlocuteurs, Jean-François Sanz et Farid Lozès, via Skype. On voit à l’écran un homme d’une cinquantaine d’années, physiquement abîmé par la maladie, l’abus des drogues, de l’alcool, des médicaments, borgne, ayant perdu de sa superbe et de son agressivité anciennes, mais ayant gardé intacts son agilité intellectuelle et son humour. Le spectacle est émouvant, de cet écrivain ayant retrouvé une surprenante énergie, évoquant ses romans en cours, débordant de projets, alors qu’il est à quelques mois de succomber à une crise cardiaque. Extraits de son Journal (début 2000) : « On semble s’étonner, à ce qu’on me dit, qu’un homme de ma génération et de ma culture (Burroughs, Dick, Kafka, la science-fiction, le rock, l’acide lysergique) fasse désormais “propagande” pour le “christianisme”, et on s’étonne plus encore de ma lecture de Bloy, de Nietzsche ou de Maistre. Certains vont jusqu’à me qualifier de “Rebatet sous acide”. » « En détruisant toute liberté, le fascisme annihile toute souveraineté/En annihilant toute souveraineté, le communisme détruit toute liberté. » « Allez… un petit effort, relisez Marx au moins, les gars, car je n’oserais vous conseiller Debord, Vaneigem ou Baudrillard. Le monde n’est pas seulement une marchandise. C’est un hypermarché. » « Seuls d’authentiques guerriers sont en mesure de faire la paix. » « Pour devenir ou rester chrétiens au 21e siècle, il faudra aux survivants la force de réapprendre à être juifs. » « Vous m’avez cru posthumaniste-universitariste, que sais-je encore ? […] Je ne suis pourtant qu’un microscopique éclat du Christ. » «…le sourire de Tyson, sa célèbre rencontre éclair qui dura une seconde chrono, tout passe comme un terrain rempli de plutonium dans une nuit d’émeutes./Je le passe en boucle durant des heures, sans aucun problème./Et demain j’achète un sac de sable. » After Michel Houellebecq, Maurice G. Dantec in artpress? In the 1990s Dantecwrote a series of novels blending thriller and science fiction modes that won him cult status with a generation of young readers (La Sirène rouge, Les Racines du mal, Babylon babies) as well as essays nearly a thousand pages long (his Journal métaphysique, Le Théâtre des opérations followed by Laboratoire de catastrophe général [1]) that were violently controversial and for which he was consigned, along with the likes of Houellebecq and Muray, to the infamous category of “reactionary” writers. He died last June 25, which is one of the reasons, mentioned later in this magazine, behind our publication of the interview in the opening pages of this issue. A brief recap. As Michel Houellebecq recently reminded us, it was actually artpress that launched the slogan “the new reactionaries” in 1999. It was coined by Guy Scarpetta and he was referring, notably, to Muray, Houellebecq and Dantec. In 2003, after the publication of Daniel Lindenberg’s pamphlet Rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires, I intervened on the theme and contradicted the point of view expressed four years earlier. So, was Dantec a “reactionary”, a “neo-reactionary,” an “arch-reactionary,” a “right-wing anarchist,” a “left-wing extremist,” a “fascist,” an “archeo-Catholic”? You’ll have to read what he wrote and make up your own mind. One place to start would be the excerpts from the answers he Skyped from Canadawhen questioned by Jean-François Sanz and Farid Lozès. The screen showed aman in his fifties, damaged by illness, drugs, alcohol and medicine, blind in one eye; aman who had lost his old arrogance and aggressivity, but none of his intellectual agility and humor. It is a moving sight, this writer who is surprisingly re-energized talking about the novels he is writing, his many projects, when we know him to be only months away from a heart attack. Some excerpts from his Journal (early 2000): “From what I hear, people are surprised that a man of my generation and with my culture (Burroughs, Dick, Kafka, science fiction, rock, lysergic acid) should now be ‘propagandizing’ for ‘Christianity’ and even more surprised by my reading of Bloy, Nietzsche and de Maistre. Some even call me a ‘Rebatet (2) on acid.’” “By destroying freedom, fascism annihilates sovereignty/By annihilating sovereignty, Communism destroys freedom.” “Come on, another effort. Reread Marx at least, guys, because I wouldn’t dare recommend Debord, Vaneigem or Baudrillard. The world isn’t just a commodity. It’s a hypermarket.” “Only true warriors are in a position to make peace.” “To become or remain Christian in the 21st century, the survivors will need the strength to learn how to be Jews again.” “You thought I was post-humanist/universitarist, or who knows what? […] And yet I am only a microscopic fragment of Christ.” “… Tyson’s smile, his famous lightning knockout that lasted just a second, like a terrain filled with plutonium on a night of riots./I play it endlessly for hours, no problem./And tomorrow I’ll go buy a sandbag.”
Jacques Henric Translation, C. Penwarden (1) Published by Gallimard. (2) Lucien Rebatet (1903–72), anti-Semite and pro-National Socialist author whose
Les deux étendards (1952) is held by some to be one of the finest novels of the period.