Haegue Yang Impossible Communities
tecture de lumières et d’ombres. Cette série, dont une variante a été montrée au pavillon coréen de la Biennale de Venise en 2009, trouve à Bregenz une magnifique interprétation. Haegue Yang produit ensuite l’installation monumentale et actionnée par un moteur à la Documenta 13, en 2012, intitulée Approaching: Choreography Engineered in Never-Past Tense, et, l’année suivante, l’installation Accommodating the Epic Dispersion–On Non-cathartic Volume of Dispersion, à la Kunsthaus de Munich. Comme les fenêtres d’un édifice imaginaire, les stores, dont la fonction est la séparation entre l’intérieur et l’extérieur, opèrent au contraire une dissolution des espaces et rendent sensible l’absence de la figure humaine. En 2015, à la Biennale de Lyon, Haegue Yang rend hommage à Sol LeWitt avec une autre installation produite à partir de stores blancs disposés en carré. Cette oeuvre, intitulée Sol LeWitt Upside Down, reprend, en l’inversant, Structure with Three Towers (1986) de l’artiste minimaliste américain, en l’agrandissant vingt-trois fois. Ce jeu autour du minimalisme se retrouve également dans Lingering Nous, que l’artiste a suspendu dans le forum du Centre Pompidou à Paris. Cette réalisation est une composition de stores roses et verts pastel, régie par une logique mathématique. Sans doute, en raison de cette altérité éprouvée à ses débuts, Heague Yang a été très tôt amenée à réfléchir à la notion de communauté (notamment à partir de la lecture de Maurice Blanchot). L’artiste semble avoir trouvé avec ses compositions de stores ce que l’on pourrait nommer la métaphore sensible d’une commu- nauté d’absences, autrement dit la mise en commun d’espaces privés à travers laquelle ce qui fait communauté est défini par la structure et par le cadre, mais aussi par l’absence que suggère l’objet lui-même, et qui rejoint les principes minimalistes. Dans la continuité de ses recherches sur la communauté, Haegue Yang s’interroge, dès 2010, sur l’amour impossible, en mettant en scène la Maladie de la mort de Marguerite Duras. Au cours de plusieurs performances, le texte, lu par une seule actrice incarnant à la fois le personnage féminin et le personnage masculin, renvoie à la solitude des êtres et illustre une impossible communion. Mais, vers 2013, à la suite de sa rétrospective au musée d’art contemporain de Strasbourg, Haegue Yang se met, de manière totalement inattendue, à fabriquer des sculptures, plutôt ludiques, en paille artificielle. La série est intitulée The Intermediate, et est exposée actuellement à la Kunsthalle de Hambourg. Souvent présentées accompagnées de collages muraux (récurrents chez l’artiste), à l’esthétique surréaliste plutôt décorative, ces sculptures s’inspirent des arts premiers de divers continents. Cette nouvelle série fait référence, non sans humour, à la figure du chaman et aux croyances animistes, mais aussi à l’artisanat coréen. Après avoir sondé l’Occident, Haegue Yang se tourne aujourd’hui davantage vers l’Asie, dans une nouvelle expérimentation de l’altérité par rapport, cette fois, à ses propres racines. Her parents members of the resistance against military rule (which ended in 1987) in South Korea, Haegue Yang was born in Seoul in 1971 and trained at Seoul University and then at the Städelschule in Frankfurt in the late 1990s. She now has studios in both Berlin and Seoul and produces work that, like much of her life, is marked by a feeling of exile and a strong sense of alterity with regard to German and, more generally, Western culture. She has also written several autobiographical texts casting a singular light on her domestic world, which has been the basis of several installations. Sadong 30 (2006) marks an important phase in Haegue Yang’s work. Returning to Seoul after the death of her grandmother, she found her apartment in ruins and decided to open it to the public as an exhibition space. Keeping her intervention to the strict minimum, to light the space she hung bulbs from an IV holder. She went on to use these same holders to makemobile sculptures representing different typologies of person, depicted by tangles of electrical wiring and light bulbs as well as various objects and artificial plants ( Warrior Believer Lover) or wigs ( Medicine Man). After the emotion of Sadong 30, Haegue Yang seems to have returned to her experience of exile, representing the human figure as a moving house.