Lettres à Simone Kahn 1920-1960
Gallimard, 384 p., 23,50 euros Simone Kahn fut la première épouse d’André Breton. Il la rencontra en juin 1920, il venait d’avoir vingt-quatre ans et était déjà connu comme poète. Simone Kahn était à peine plus jeune que Breton, elle suivait déjà de près la vie littéraire parisienne et joua un rôle non négligeable dans le mouvement surréaliste. Leur vie commune dura huit ans, mais ils gardèrent des liens amicaux après leur séparation (la dernière missive de Breton, une carte postale, est datée du 25 juillet 1960). Comme toujours dans les couples, au début, c’est le grand amour. La drague épistolaire du jeune poète nous vaut un ensemble de longues et superbes lettres, toutes empreintes d’une grande pudeur. Les jeunes mariés se sont promis de tout se dire, c’était une des utopies en cours dans le milieu artistique et littéraire de l’époque, lesquelles bonnes résolutions ne résistaient guère à l’épreuve du réel. La rencontre de Breton avec Nadja, les liaisons amoureuses de Simone précipitent le conflit. On est vite dans le registre du tragique : amour, jalousie, désespoir… Dommage qu’on ne puisse lire les lettres de Simone Kahn. Elles nous en apprendraient beaucoup sur elle, bien sûr, mais un peu plus sur Breton. Ce qui rend précieuses ces lettres de Breton, c’est ce qu’elles révèlent sur les aléas de la vie littéraire d’alors, sur tout ce que seule une correspondance privée autorisait : les jugements abrupts sur tel ami écrivain, les fâcheries, les bagarres physiques, narrées dans le détail (Aragon contre Artaud), les combines pour se constituer de belles collections de peintures, les confidences sur les amours en cours. « Je veux la vérité absolue dans la vie. » Breton est un des écrivains qui s’est efforcé de réaliser au mieux ce souhait. À l’évidence, ces lettres le prouvent.