Art Press

Comment construire une cathédrale

- Jean-Philippe Rossignol

Plein jour, 96 p., 12 euros Le 12 octobre 1961, en périphérie de Madrid, un homme se lance seul dans une entreprise démesurée. Bâtir une cathédrale. Cinquante mètres de long pour trente mètres de haut. Sur l’avenue principale de Mejorada del Campo, Justo Gallego, né en 1925 et toujours vivant, échafaude, cimente, troue, soude, manie la pelle et le tracteur. Depuis cinquante-cinq ans, il se consacre à son immense tâche sans dévier. N’ayant rien que son OEuvre, il a besoin de dons afin de continuer. Dans sa ville, l’ancien moine est pris pour un fou, un illuminé, un mystique d’un genre spécial. D’anonyme, il est devenu célèbre par sa liberté radicale. Comment construire une cathédrale, le beau récit que Mark Greene consacre, dans la nouvelle collection des « Invraisemb­lables », à cet Espagnol obstiné, ce Don Quichotte aux allures mi-médiévales mi-clownesque­s, relate la trajectoir­e d’un homme qui a débuté son labeur à la gloire du Créateur sans jamais avoir été maçon ou architecte et qui, pour enfoncer le clou, s’est attelé sans permis de construire à sa réalisatio­n titanesque. « Sans plan, c’est-à-dire sans fin. » Parallèlem­ent au destin de Justo Gallego, c’est la première fois que Mark Greene, Franco-Américain né à Madrid en 1963, évoque ses origines espagnoles. À la frontière du portrait et de l’autoportra­it, l’auteur décrit sa rencontre avec le bâtisseur silencieux, ses doutes quant à l’art, la tentation de renoncer, la foi dans ce qu’on élabore, la recherche de la vérité quitte à connaître l’inconfort, le ciel et les cyprès autour du chantier inachevé. Gallego, l’homme qui n’abandonna pas son rêve, suivant le poème d’Antonio Machado: «Caminante, no hay camino,/Se hace camino al andar. » (« Toi qui marches, il n’y a pas de chemin,/Le chemin se fait en marchant. »)

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