Antebellum
Lamaindonne, 176 p., 35 euros Les lecteurs d’artpress connaissent Gilles Mora comme historien de la photographie, spécialiste de la photographie américaine, et commissaire d’exposition, actuellement en charge du Pavillon populaire de Montpellier. On sait peut-être moins que, à l’instar de Claude Nori, Denis Roche et d’autres, qui furent avec Mora dans les années 1980 de l’aventure des Cahiers de la photographie, il était aussi photographe. Dans un noir et blanc qui n’exclut pas l’expressivité des points de vue basculés et des effets de contraste, de grain et de flou, Antebellum réunit des images prises depuis le début des années 1970 dans le sud des États-Unis. Mora a longtemps vécu et n’a cessé de revenir dans ce Deep South, dit aussi Antebellum South (d’avant la guerre de Sécession), pour en traquer les traces. Ou plutôt les survivances. Car son regard, à l’exception de vues d’architectures désaffectées ou ruinées, n’est pas archéologique, mais tourné vers la vie. Brouillant la chronologie, Antebellum est un flux continu d’où émergent de brefs enchaînements thématiques, consacrés au rockabilly – il est aussi musicien – ou à la femme aimée. Sans angélisme – Mora est trop conscient du racisme du sud –, le photographe laisse libre cours à une vision fantasmée marquée par un imaginaire construit en France et, là-bas, par la littérature (Eudora Welty, qui fut aussi une photographe exposée par Mora) et la photographie (avant tout Walker Evans et John Clarence Laughlin). Les images témoignent, selon ses mots, de « l’accord obtenu, par la photographie, entre un univers bien réel et trivial, et le regard étrangement rêveur, ou suffisamment égaré, d’un voyageur décidé à n’y trouver que ce qu’il désirait y voir, à la barbe de toute objectivité ».