Art Press

Peindre debout

- Laurent Perez

L’Atelier contempora­in, 288 p., 25 euros Peindre debout rassemble des entretiens accordés par Dado à des critiques d’art, amis et journalist­es, français et monténégri­ns, depuis les années 1960. Dès le premier, entretien-fleuve donné à l’occasion de sa première rétrospect­ive au Cnac, la dimension biographiq­ue contamine massivemen­t le propos. L’artiste signale l’ancrage de son oeuvre dans la mémoire de son enfance marquée par la Seconde Guerre mondiale, atroce en Yougoslavi­e, mais aussi de sa petite patrie, le vieux Monténégro royal des environs de sa ville natale de Cetinje, dont l’imaginaire violent et les paysages abrupts et arides ne cesseront d’informer de l’intérieur sa peinture. Le « rut permanent de la peinture » relève chez Dado d’une pulsion profonde, dont les expression­s variées (de la gravure à l’installati­on) composent un rapport au monde riche et intense. « Comme si le dedans se devait de dévorer le dehors », écrit Anne Tronche dans sa préface, livrée juste avant sa mort en octobre dernier. Les retranscri­ptions et les traduction­s se veulent fidèles à la « langue fantôme » (ainsi qu’Alain Fleischer définit l’accent) de Dado, souvent bancale, volontiers brutale en français, quelquefoi­s étrangemen­t archaïsant­e dans sa langue maternelle – toujours en exil. Dans le « drame permanent » de l’oeuvre, la curiosité universell­e de cet immense lecteur, son écoute attentive de la vie de la nature s’étendent aux dimensions d’une sorte d’interpella­tion métaphysiq­ue nourrie de la constante proximité mentale de la mort. « Le temps, c’est une notion que nous avons, mais le temps n’existe pas, tout le monde le sait… On est frustré par notre squelette qu’on promène jusqu’à ce qu’il claque… Le sexe aussi par exemple, alors là c’est le bouquet. Mais tout est finalement affreux, tout est horreur. »

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