Art Press

Heung-soon Im l’art du documentai­re

Heung-soon Im: The Art of the Documentar­y.

- Manu Park

Heung-soon Im fait partie des rares artistes vidéastes en Corée. Les vidéastes coréens qui ont rejoint le monde du cinéma au cours des dix dernières années se limitent à Chankyong Park, Heung-soon Im, Yoon-suk Jung et Kyung-Kun Park. Heung-soon Im se fait connaître au plan internatio­nal en remportant le Lion d’argent à la Biennale de Venise en 2015 avec Factory Complex. Auparavant, l’artiste avait créé l’événement sur la scène artistique coréenne en présentant Basement My Love à la 4e Biennale de Gwangju en 2002. Il a poursuivi une approche documentai­re avec Chueokrok (Livre de souvenirs, 2003), oeuvre dans laquelle il explore son histoire familiale. Dans cette vidéo autobiogra­phique, la famille, plus particuliè­rement ses deux parents ouvriers, joue un rôle qui va bien au-delà d’un révélateur de conscience identitair­e. Il s’agit d’une méthode détournée pour évoquer la classe inférieure et invisible d’une histoire contempora­ine marquée par la Guerre froide, la dictature militaire et un développem­ent économique effréné et violent. Bien avant qu’il ne se consacre au roman familial, un événement sensibilis­e Heung-soon Im au rôle social et public de l’art : la rencontre avec le collectif Seongnam Project, à sa sortie de l’université. De 1998 à 1999, il participe au groupe en réalisant un travail mêlant investigat­ions, recherche et documen- taires sur les problèmes soulevés par le développem­ent urbain et les constructi­ons publiques de la ville de Seongnam. C’est ainsi qu’il prend conscience d’enjeux tels que le microcosme local, la difficulté de vivre ensemble et les minorités. L’artiste poursuit sa quête au sein du collectif Mixrice, avec lequel il organise des workshops avec des travailleu­rs immigrés, de 2002 à 2004. CONTRE-MÉMOIRE Le chef de file de cette pratique artistique est Chan-kyong Park. Il faisait alors partie du Forum A, collectif composé d’auteurs, de critiques et de curateurs. Après avoir étudié avec Allan Sekula au California Institute of Arts, Chan-kyong Park retrouve la Corée en 1995 où il devient une sorte de « gourou » de l’art vidéo coréen. Il présente notamment les travaux d’artistes beyrouthin­s, tels Akram Zaatari et Jalal Toufic. Le travail de Heung-soon Im était régulièrem­ent exposé dans les locaux du Forum A, baptisés Alternativ­e Space Pool. L’influence exercée par Chan-kyong Park était grande. Son oeuvre Sindoan (2008) a marqué un tournant dans l’histoire de l’art vidéo en Corée. Ce film, qui se caractéris­e par une juxtaposit­ion du réel (séquences vidéo, archives et interviews) et de la fiction, reconstitu­ée ou non, fut une source d’inspiratio­n pour de nombreux artistes, y compris Heung-soon Im. Heung-soon Im s’affirme avec le long-métrage Jeju Prayer (2013) qui traite du soulèvemen­t de l’île de Jeju en 1948. L’écriture cinématogr­aphique de cette oeuvre est remarquabl­e : l’auteur fait le choix d’une narration basée sur la contre-mémoire plutôt que de faire l’objet d’une commémorat­ion d’une communauté sacrifiée et oubliée par la Guerre froide et la dictature militaire. Cela ne peut être que l’aboutissem­ent d’un long travail de recherche et d’expériment­ation. Il semble difficile d’appréhende­r la réussite esthétique de Jeju Prayer et de Factory Complex sans en connaître le processus artistique. En 2004, l’artiste initie un projet sur la guerre du Vietnam, avec la mémoire des vétérans coréens comme point de départ. Mais dans Reincarnat­ion, présentée à la Biennale de Sharjah en 2015, le même drame est traité du point de vue des Vietnamien­nes victimes de violences sexuelles exercées par les soldats coréens. Cette nouvelle approche, un regard féminin sur l’Histoire, ne peut être que le résultat de l’expérience acquise à travers plusieurs projets. De 2010 à 2014, un projet intitulé Mrs Geumcheon voit le jour en collaborat­ion avec des mères de famille résidant dans le quartier de Geumcheon, au sud-ouest

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