Christo et Jeanne-Claude
Fondation Marguerite et Aimé Maeght / 4 juin - 27 novembre 2016 En 1968, Christo et Jeanne-Claude imaginent un projet de mastaba pour la Fondation Maeght. Ce projet, qui s’est depuis transformé et a pris une plus grande ampleur, est aujourd’hui réalisé. Dans la cour Giacometti s’élève un mastaba haut de neuf mètres, constitué de barils de pétrole. La construction – temporaire – aux couleurs éclatantes remplit l’espace de la terrasse, modifie l’échelle du lieu et donne l’impression que l’architecture se déploie autour d’elle. L’exposition associe cette réalisation à un regard rétrospectif sur l’oeuvre de Christo et Jeanne-Claude. Elle met aussi en lumière le projet de mastaba dans le désert d’Abu Dhabi. L’ensemble se concentre sur l’utilisation récurrente des barils depuis les années 1960, afin d’éclairer l’évolution de leur démarche depuis l’arrivée en France de Christo jusqu’au projet d’Abu Dhabi, qui serait à la fois leur réalisation la plus monumentale et la seule destinée à être pérenne. Dans la série des Inventaires (19581960), des pots de peinture ou de canettes s’accumulent, certains empaquetés, d’autres non. Présentés dans des vitrines ou sur des étagères, ils font songer à des bibelots dépourvus de valeur, mais néanmoins mystérieux. À la fois encombrants et décoratifs, ces objets participent d’une transformation du quotidien. Rapidement, l’échelle s’agrandit et Christo et JeanneClaude utilisent des bidons qu’ils assemblent et qui prennent une forme plus sculpturale. Surtout, ils vont associer ces réalisations à un lieu et leur donner une dimension éphémère. Cette évolution se concrétise lors de l’édification temporaire d’un mur de barils, rue Visconti, à Paris, le 27 juin 1962. Sur les photographies, ces objets industriels s’empilent comme des vignettes colorées. L’intervention urbaine, qui obstrue complètement le passage, transforme l’espace, sa perception et son usage. Si le couple a toujours refusé d’étendre la signification de ses interventions au-delà de l’expérience esthétique que l’on peut en faire, on ne peut que rapprocher cette oeuvre d’un autre mur, élevé quelques mois plus tôt, qui coupe Berlin en deux. De même, les mastabas constitués de barils de pétrole prévus au Texas puis à Abu Dhabi interrogent sur une possible symbolique du matériau. Les nombreux projets qui sont exposés, et qui pour la plupart n’ont pas été réalisés – ils n’existent que sous forme de dessins –, nous font pénétrer dans une intimité du processus créateur qui s’inscrit moins dans la tradition de l’atelier que dans celle du cabinet d’architecte. La salle consacrée au gigantesque mastaba d’Abu Dhabi – il devrait mesurer 150 mètres de haut – montre que la forte résonance de l’oeuvre avec le monde contemporain repose d’abord sur l’économie de sa réalisation et l’organisation qui la sous-tend. L’artiste – le couple jusqu’au décès de Jeanne-Claude en 2009 – se fait commanditaire, entrepreneur et coordinateur d’un projet poursuivi depuis 1978. Cette tension entre la mise en oeuvre de projets littéralement extraordinaires et l’expérience esthétique de leur concrétisation correspond à un passage de l’impossible vers le possible. In 1968, Christo and Jeanne-Claude conceived a project to build a mastaba (Egyptian funerary structure) for the Fondation Maeght. Today, after modifications and enlargement, it has become a reality. In the foundation’s Giacometti courtyard now sits a nine-meter high triangle made of oil barrels. The brightly colored temporary tomb fills the space of the terrace, changing the sense of scale in the place and giving the impression that the building was constructed around it. The piece, the keystone in a retrospective of the couple’s work, foreshadows the future construction of their mastaba in the Abu Dhabi desert. The show focuses on the recurrent utilization of oil barrels in the coupe’s work since the 1960s, shedding light on the evolution of their approach from Christo’s arrival in France to the Abu Dhabi project, which will be both their most monumental piece and the only one intended to be permanently installed. The Inventaires series (1958–60) features piles of paint and drink cans, some packaged and others not. Presented in display cases and on shelves, they look like knickknacks, worthless but mysterious. Simultaneously cumbersome and decorative, they help transform our everyday environment. As time went by these piles quickly became bigger, and the two artists assembled the empty cans into sculptural forms. Christo and Jeanne-Claude especially sought to associate them with specific sites and give these assemblages an ephemeral dimension. This evolution led to the temporary construction of a wall of barrels on Rue Visconti, Paris, on June 27,1962. In photos, these industrial objects are stacked up like colored stickers. That urban intervention, blocking the street entirely, transformed the space, its perception and use. While the couple has always rejected attempts to give their work any significance other than the aesthetic experience they might impart, inevitably this wall brings to mind another, built a few years earlier, which divided Berlin into two. Similarly, the mastabas planned for Texas and Abu Dhabi raise questions as to the possible symbolism of the materials used. The many drawings for projects on view here, most of them never built, lead us into the secret heart of a creative process that has more in common with an architectural practice than the artist’s studio tradition. The room devoted to the future Abu Dhabi mastaba, 150 meters high, shows that the powerful resonance between their work and the contemporary world comes from the economy of means and its underlying organization. Since the death of Jeanne-Claude in 2009, it is now up to Cristo to be entrepreneur, coordinator and general contactor for this project the couple began working on in 1978. The tension between the implementation of these extraordinary projects and the aesthetic experience of their concretization corresponds to the passage from the impossible to the possible.
Translation, L-S Torgoff