GEORGES DIDI-HUBERMAN soulèvements
PARIS - Jeu de Paume/ 18 octobre 2016 - 15 janvier 2017
Dans cette exposition et le catalogue qui l’accompagne – auquel contribuent aussi Nicole Brenez, Judith Butler, Marie-José Mondzain, Antonio Negri et Jacques Rancière –, Georges Didi-Huberman explore les aspects esthétiques, historiques, politiques et philosophiques des soulèvements.
Un soulèvement est pour vous mémoire et désir. Pouvez-vous expliciter cette conjonction ? Non, je ne dis pas qu’un soulèvement « est » mémoire et désir. Cela supposerait une définition générale. La philosophie et l’histoire doivent être précises, et non pas générales. Donc je me garderai bien de toute définition de ce qu’« est », une fois pour toutes, un soulèvement. Commençons plutôt, ou recommençons par regarder, par décrire – selon une attention phénoménologique, si vous voulez – et par questionner un cer- tain nombre de cas. Alors, en effet, il m’a semblé évident de partir du désir en tant que puissance fondamentale, psychique et politique à la fois : une puissance qui nous porte à « soulever le monde » et à nous soulever nous-mêmes. C’est le désir en ce qu’il nous porte au-delà de nousmêmes, au-delà de notre présent, vers un nous et vers un futur qui n’existent pas présentement. C’est le désir en tant qu’il serait indestructible : hypothèse formulée par Freud, et qui allait de pair, chez lui, avec la puissance concomitante de la mémoire. Il faut de la mémoire pour désirer, fût-elle une mémoire inconsciente : on peut désirer pour oublier certaines choses, sans doute, mais pour cela il faut en appeler à une autre mémoire. Pourquoi n’arrête-ton pas de se soulever ? Parce qu’on ne cesse pas d’imaginer un autre futur. C’est ce que Ernst Bloch appelait les « images-souhaits ». Mais celles-ci ne naissent jamais de rien, elles vont de pair avec cette « mémoire autre », par exemple avec ce que Walter Benjamin appelait la « tradition des opprimés », celle que