ALBERT SERRA soleil couché
la Mort de Louis XIV et raconte ce qu’énonce son titre. C’est à un acteur nommé Léaud – prénom Jean-Pierre – qu’a été confié le rôle d’un Roi-Soleil qu’on ne voit guère se lever pendant les quelques semaines qui séparent son apparition, poussé dans une chaise dans un jardin de Versailles, de sa mort un certain 1er septembre 1715. Le Catalan a toujours eu un vif penchant pour les hommes couchés, allongés dans l’herbe ou flottant dans l’eau, vautrés sur une banquette ou renversés dans une carriole. Ce coup-ci c’est différent : on quitte si peu la chambre que « Rester horizontal » ferait un excellent sous-titre, littéral et un rien moqueur comme l’est ce film, le plus simple mais non le moins mystérieux de son auteur. Lorsque l’histoire s’achève, Louis XIV meurt, mais au moins sera-t-il resté digne et respecté. Pas un instant, il n’aura cessé d’être l’objet de la sollicitude empressée de ses valets et de ses médecins, en tête desquels se tiennent les inamovibles Blouin (Marc Susini) et Fagon (Patrick d’Assumçao, le merveilleux Henri de l’Inconnu du lac). De Guiraudie à Serra, le jeu se poursuit entre un corps d’homme – là debout, ici couché – et les attentions qu’il recherche ou suscite d’une part, et d’autre part entre ces attentions et les progrès d’une histoire se dérobant aux canons de ce qu’on a coutume d’attendre d’un scénario. Le sensualisme, l’érotisme, la crudité aussi de Guiraudie sont connus. Serra, à l’inverse, est entré dans le cinéma avec le tandem attendrissant mais chaste d’un vieux maigre et d’un jeune gros en promenade dans la campagne – Honor de Cavalleria, 2006 – et dut attendre son troisième film, Histoire de ma mort, pour montrer une étreinte. Or l’évidence s’impose, et pas seulement à la lumière du rapprochement avec Rester vertical : plus le Catalan avance, plus il se rapproche des corps ; et plus il s’en rapproche, plus son cinéma conquiert un sensualisme paradoxal.