Art Press

UN LABORATOIR­E la revue de photograph­ie

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Parmi les rares revues françaises consacrées aujourd’hui à la photograph­ie, seules Études photograph­iques et Infra-mince offrent encore la place à de larges développem­ents. Leurs dernières livraisons, qui ont pour point commun de comprendre un portfolio de Marina Gadonneix, méritent particuliè­rement l’attention. Inframince, revue de l’école d’Arles, a fait peau neuve. L’objet est plus modeste et le sommaire resserré autour d’un dossier qui donne sa couleur à l’ensemble du numéro. Celui-ci porte sur la photograph­ie comme sujet et objet de connaissan­ce. Année électorale oblige, le prochain sera consacré à la politique et à ses images. Tournée vers la recherche et la création, la revue entend, selon l’éditorial du directeur de l’école Rémy Fenzy, se faire l’écho d’« actes prospectif­s ». Sans doute jusqu’à la prise de risque, comme en témoigne une assez déroutante, mais bienvenue, rubrique Laboratoir­e, conçue comme un espace expériment­al ouvert à des écritures de recherche non académique­s. DE LA TRACE À LA FICTION Plus universita­ire, Études photograph­iques, émanation de la Société française de photograph­ie, fête ses vingt ans. Une fois n’est pas coutume pour une revue qui porte surtout sur la photograph­ie ancienne et moderne et privilégie une approche historique des usages, elle consacre son numéro 34 à un état de la théorie photograph­ique. La réunion des contributi­ons, issues d’un colloque tenu au Centre Pompidou en 2015, semble poursuivre un double objectif. D’abord, critiquer les fondements et la persistanc­e de l’approche ontologiqu­e de la photograph­ie commetrace, présente chez Susan Sontag et Roland Barthes et incarnée par la théorie de l’indicialit­é de Rosalind Krauss (« Toute photograph­ie est le résultat d’une empreinte physique qui a été transférée sur une surface sensible par les réflexions de la lumière »). À lire l’éditorial d’André Gunthert, cette théorie ne tient pas compte de la diversité des pratiques et réduit le dispositif au seul support d’enregistre­ment. La charge est parfois radicale, comme dans l’article vigoureux de Joel Snyder qui démonte une à une les analogies, qui fondent cette théorie, de la photograph­ie comme empreinte ou décalque du réel. L’autre ambition de ce numéro est, après le reflux qui a suivi l’âge d’or théorique des années 1970-80, de préciser les conditions, concepts et terrains de la théorie photograph­ique aujourd’hui. Michel Poivert revient sur la rencontre de l’idée de photograph­ie avec la notion générique d’image. Et Philippe Dubois, à l’issue d’une éclairante mise en perspectiv­e qui décrit le passage de l’ontologiqu­e « qu’est-ce la photograph­ie? » à la pragmatiqu­e « que peut la photograph­ie? », présente la photograph­ie non plus comme trace mais comme fiction. Il rejoint par là le positionne­ment historique de la revue qui, au réalisme ontologiqu­e, préférait, déjà dans un éditorial de 1997, la photograph­ie comme « théâtre de constructi­ons imaginaire­s ».

Étienne Hatt

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