Nakai Masakazu. Naissance de la théorie critique au Japon
Les Presses du réel, 264 p., 20 euros La collection « Délashiné ! » consacrée aux contre-cultures au Japon avait été inaugurée en 2014 avec un ouvrage de Bruno Fernandes ( Pornologie vs capitalisme. Le groupe de happening Zero Jigen Japon 19601972). Le deuxième livre, confirmant les ambitions de la collection, rend les honneurs au théoricien critique Nakai Masazaku (1900-1952), rien moins que le Walter Benjamin japonais. Entre biographie et panorama intellectuel, le livre de Michael Lucken, japonologue professeur à l’INALCO, invite à travers la figure singulière de Nakai à découvrir l’émergence de la pensée contestataire au Japon des années 1930 à 1950. Influencé par l’École de Francfort, Nakai se distingue par son refus du romantisme occidental et publie dès 1925 dans des revues d’avantgarde ( Image positive, sur la photographie objective). Il fonde Culture du monde et Samedi, des revues culturelles et d’actualité. Durant trente années d’activité, ses thèmes de prédilection sont les médias, le sport, l’art, le théâtre et le cinéma. Accusé de crime idéologique en 1937, il est emprisonné et démis de toutes ses fonctions d’enseignement et éditoriales : pendant la guerre, il se rapproche des mouvements pacifistes et, après la défaite, devient un intellectuel de gauche reconnu, grâce à son éclectisme direct, simple et engagé. Dans cette biographie intellectuelle d’un milieu autant que d’un homme, se dévoilent, dans des détails passionnants, l’arrière-plan philosophique des concepts-clefs japonais (par exemple, le Mâ, pensée de l’espace popularisée par Roland Barthes en France, dont Lucken est un spécialiste) ou encore les réseaux qui tissent la culture contestataire, les mouvements de libération et l’esthétique relationnelle au tournant de la Seconde Guerre mondiale.