Kollektsia ! Art contemporain en URSS et en Russie, 1950-2000
Centre Pompidou / 14 septembre 2016 - 27 mars 2017 Kollektsia ! couvre, avec plus de 250 oeuvres de 65 artistes russes de 1950 à 2000, une période peu considérée et jusque-là mal représentée de l’histoire de l’art soviétique et russe dans les collections publiques françaises et internationales. Un projet issu en grande partie d’une donation de la Vladimir Potanin Foundation. Cette fondation appartient à l’oligarque éponyme oeuvrant au développement de la culture et de l’art en Russie et qui, en amont, a acheté les oeuvres aux galeries, collectionneurs et artistespour ensuite les offrir au Centre Pompidou. Achats auxquels s’ajoutent des dons négociés auprès des collectionneurs, artistes et ayants droit. L’ensemble dépasse la seule exposition ; elle constitue une opération d’acquisition historique à un moindre coût sans précédent et place désormais le Centre Pompidou au rang des collections internationales pouvant se prévaloir d’une repré- sentativité de l’histoire de l’art soviétique tardif – au même titre que le Zimmerli Art Museum, bénéficiaire de la donation Dodge – faisant ainsi le lien avec les avant-gardes russes déjà présentes dans sa collection. La Tate Modern et son récent département consacré à la Russie et l’Europe de l’Est, ou le MuHKA qui, sans souci d’exhaustivité, collectionne des Russes, se voient amplement devancés. Le choix des oeuvres des commissaires, Olga Sviblova, directrice du Multimedia Art Museum, et Nicolas Liucci- Goutnikov, conservateur du Musée national d’art moderne, révèle une vraie connaissance des lignes historiques et des partis pris, privilégiant notamment plusieurs générations d’artistes conceptuels. Une liste préétablie d’oeuvres incontournables et plusieurs acquisitions d’un même artiste permettent une réelle imprégnation des orientations retenues. Côté Russie, le débat médiatique est significatif. Assurément, la Fédération de Russie ne fait pas une intense promotion de l’art russe non conformiste. Le détournement absurdiste de la propagande soviétique par le Sots-Art n’a rien perdu de sa subversion. Les artistes « non officiels » de la période soviétique le restent encore pour partie aujourd’hui, et, si les conceptuels de Moscou font figure de mentors de l’art contemporain en Russie, rien ne laissait présager leur entrée officielle, rapide et massive dans l’histoire des collections occidentales. Par ailleurs, cette déconsidération venant de l’État russe associée à l’effet « Beaubourg » et son pouvoir d’attraction a probablement accru l’engouement des artistes qui, soucieux d’entrer dans la postérité, n’auront pas hésité à faire don de leurs oeuvres. En contrepoint, on peut y lire la critique postcoloniale appliquée aux pays ex-soviétiques, la France conservant ses prétentions universalistes de « miroir du monde ». Mais, et subséquemment, le reflet d’un art ancré dans une autre histoire universelle se verra inévitablement déformé sans un effort intellectuel pour le resituer dans son contexte. With more than 250 works from 1950-2000 by 65 Russian artists, Kollektsia! covers a period in the history of Soviet and Russian art that has been underestimated and until now underrepresented in French and international public collections. The success of the Pompidou Center’s efforts to remedy this situation is largely due to a donation from the Vladimir Potanin Foundation. Owned by a Russian oligarch of the same name, this foundation supports the development of art and culture in Russia and bought these pieces from galleries, collectors and artists with the express intention of offering them to the Pompidou Center, which also negotiated other donations from collectors, artists and beneficiaries. The ensemble is too big for one exhibition. It represents an historic acquisition, unprecedented for its low cost to the museum and complementing the Russian avant-garde work already in the Paris museum’s collection. The Pompidou Center is now home to one of the world’s most representative collections of late Soviet art, alongside the Zimmerli Art Museum after the Dodge donation. This puts it way ahead of the Tate Modern’s recently launched Russian and Eastern European art department, and the MuHKA, which also acquires Russian art, although without the intention of building up an equally exhaustive collection. The choices made by the curators, Olga Sviblova, director of the Multimedia Art Museum, and Nicolas Liucci-Goutnikov, keeper at the Musée National d’Art Moderne, reflect a deep knowledge of historical trends and positions, and give emphasis to several generations of conceptual artists. A pre-established list of must-have pieces and multiple acquisitions of work by the same artist are testament to the thorough fulfillment of a well-considered approach. When it comes to Russian art, debate continues to rage in the media. The Russian Federation is definitely not interested in promoting non-conformist Russian art. Sots-art’s absurdist subversion of Soviet propaganda has lost none of its relevance. Artists considered “unofficial” during the Soviet period remain so to some extent today. While the Moscow conceptualists were mentors for contemporary art in Russia, there being no sign that they would be quickly and massively accepted into either official art history or Western collections anytime soon. Between the Russian government’s disdain and the prestige of being included in the Pompidou Center’s collection, it seems likely that Russian artists anxious to assure their posterity were more than willing to donate their work. But on the other hand, the critique of post-colonialism may be applicable to ex-Soviet Bloc countries, since France has never abandoned its universalist pretentions and aspiration to be “the world’s mirror.” Consequently, the reflection of art anchored in a different universal history will inevitably be distorted without an intellectual effort to restore it to its context.
Translation, L-S Torgoff