The Color Line
Musée du Quai Branly / 4 octobre 2016 -15 janvier 2017 Après le Siècle du jazz, dont Daniel Soutif avait assuré le commissariat dans les mêmes murs en 2009, The Color Line nous révèle l’ampleur de notre ignorance sur l’art africainaméricain et la ségrégation, des lendemains de la Guerre de Sécession jusqu’à l’époque contemporaine. Aux États-Unis, il y a une trentaine d’années que l’université et les musées se penchent sur le sujet. En témoignaient par exemple, pour la seule année 2015, l’accrochage du Whitney Museum au moment de sa réouverture, l’exposition sur Archibald Motley qui l’a suivi, celle de la série de peintures The Great Migration de Jacob Lawrence au MoMA, et celle que le Metropolitan consacre à Kerry James Marshall cet automne. Le fait que The Color Line se tienne au musée du Quai Branly et non au Centre Pompidou ou au musée d’Orsay semble être le signe que l’institution cherche à se réinventer en un musée d’un genre nouveau, plus universaliste qu’ethnographique, ce qui présente un intérêt réel. L’exposition mêle avec adresse documents historiques, politiques et sociaux, films, oeuvres anciennes et contemporaines. Il faut en déplier toute la richesse, et suivre au fil des salles l’histoire des premiers héros de la Reconstruction, Booker T. Washington et W.E.B. Du Bois, dont la présence est évoquée par des portraits et des extraits de journaux. Le sujet du Blackface et des Minstrels Shows apparaît à travers des partitions de chansons, et un film d’archives où l’on voit le héros populaire Bert Williams incarner la version tragique de ces clowns qui jouent des caricatures racistes de personnes noires. Les boxeurs célèbres, premières stars africaines-américaines, les soldats des deux Guerres mondiales dont certains étaient peintres, les artistes de la Harlem Renaissance, ceux des années 1970 du Black Power et ceux d’aujourd’hui se succèdent sur les cimaises dans des perspectives qui permettent d’intéressants rapprochements. On voit dans leurs images des scènes de danse, de prière, mais aussi de lynchage et d’exclusion. Les découvertes ou redécouvertes sont nombreuses, avec des artistes connus et d’autres moins : Horace Pippin, Archibald Motley, Bob Thompson, William H. Johnson, Norman Lewis, Beyte Sarr, Romare Bearden, Beauford Delaney, Robert Colescott. Enfin, la présence furtive de David Hammons dans l’exposition, avec African-American Flag (1990), Air Jordan (1988) et Untitled (1995), au début, au milieu et à la fin du parcours, est particulièrement porteuse de sens. Parmi les plus célèbres artistes américains, il est aussi l’un des plus discrets, à l’image des Invisible Men, comme on a appelé les artistes africains-américains pour souligner leur absence de la scène artistique – à la différence des musiciens, des poètes et des cinéastes. Daniel Soutif le remarque dans le catalogue : l’invisibilité volontaire de David Hammons est aussi un pied de nez aux institutions qui s’arrachent aujourd’hui son travail. After Le Siècle du jazz, curated by Daniel Soutif in this venue in 2009, The Color Line shows us just how little we knew about African-American art and the segregation that dogged American society from the end of the Civil War and into the Civil Rights age. American universities and museums have been exploring this subject for about thirty years, with recent results including the 2015 hanging of the new Whitney Museum, the Archibald Motley exhibition that followed, MoMA’s show of Jacob Lawrence’s The Great Migration paintings, and the Metropolitan’s presentation of Kerry James Marshall this fall. The fact that The Color Line is being shown at the Quai Branly rather than the Pompidou or the Musée d’Orsay would seem to suggest that the museum is looking for a new identity, more universalist than ethnographic. That could be promising. This show skillfully mixes historical, political and social documents, films together with artworks old and recent. It’s a rich blend, worthy of an attentive visit. Here are the first heroes of the Reconstruction, with Booker T. Washington and W.E.B. Du Bois evoked by portraits and newspapers. Blackface and the Minstrel Shows are recalled by scores and archive films, in one of which we see the popular hero Bert Williams embodying the tragic version of these clowns who act out racist caricatures of Blacks. Famous boxers, the first African American stars, men who fought in the world wars, some of them painters, the artists of the Harlem Renaissance, then those of the Black Power 1970s and of today are all present, and offer material for some interesting comparisons. Their images show dance, prayer, lynching and the various manifestations of exclusion. Discoveries and rediscoveries abound in this mix of well and lesser-known artists including Horace Pippin, Archibald Motley, Bob Thompson, William H. Johnson, Norman Lewis, Beyte Sarr, Romare Bearden, Beauford Delaney, and Robert Colescott. The furtive presence here of David Hammons, whose African-American Flag (1990), Air Jordan (1988) and Untitled (1995) appear, respectively, at the start, in the middle and at the end of the display, is particularly resonant. Hammons is both one of the most famous American artists and one of the most discreet, a bit like the “Invisible Men,” as African American artists used to be called, because of their absence from the art scene (in contrast to their fellow musicians, poets and filmmakers). As Soutif notes in the catalogue, Hammons’ deliberate invisibility is also a way of defying the institutions that are now so desperate to have his works.
Translation, C. Penwarden