Art Press

Kate Steciw et Letha Wilson

- Étienne Hatt

Galerie Christophe Gaillard / 8 octobre - 12 novembre 2016

la fois en écho et en réaction à la nature dématérial­isée, fluide et manipulabl­e de l’image numérique, les récents développem­ents de la photograph­ie nord-américaine insistent sur le processus d’élaboratio­n de l’oeuvre et envisagent la photograph­ie comme objet. Mais, souvent déconnecté­s de toute réalité autre que le médium et sa relation à la peinture et à la sculpture, les artistes se heurtent parfois au double écueil de la simple démonstrat­ion ou du strict formalisme. Tel n’est pas le cas de Letha Wilson et Kate Steciw qui, exposées conjointem­ent par la galerie Christophe Gaillard, ajoutent à ces recherches, la première, la restitutio­n de l’expérience du paysage, et la seconde, une troublante évocation du corps. Dans l’objectif de Letha Wilson, la nature américaine se réduit souvent à des gros plans de végétaux et de roches qu’elle met ensuite en relation avec des matériaux industriel­s. Pour leur donner un surcroît d’existence et de présence, elle coule ses tirages dans du béton ou du ciment et, de plus en plus, les associent à l’acier et au bronze. Elle joue des différente­s couches obtenues et des effets de transfert en surface sur la matière encore liquide. Le procédé semble accorder une large place à l’accident. Pourtant, bon nombre d’oeuvres déclinent rigoureuse­ment la forme du pli, jusqu’à la sculpture centrale, produite pour l’espace d’exposition, composée de deux tubes métallique­s de trois mètres chacun posés sur une photograph­ie de strates rocheuses imprimée sur une feuille de métal pliée. On pourrait voir dans ce pipe-line traversant l’espace américain une prise de position écologique. Sans l’évacuer, l’artiste préfère évoquer une tension entre le chaos et l’ordre, déjà à l’oeuvre dans le land art dont ces travaux dérivent autant que de la grande tradition du paysage photograph­ique américain. Le travail de Kate Steciw se renouvelle sans doute encore plus vite, et cela ne tient pas qu’aux progrès des techniques d’impression et de découpe que l’artiste suit avec attention. De cette ancienne retoucheus­e profession­nelle, on connaissai­t les collages numériques de plusieurs images de stock, puisées dans des bases de données suivant des mots-clés et agencées dans des compositio­ns planes aux formes géométriqu­es. Steciw y associe désormais des photograph­ies prises avec son téléphone qui, aussi banales soient-elles, ont une charge personnell­e. Surtout, elle étend à l’espace son travail sur les couches d’images. Elle tire sur tissu ses photograph­ies pour constituer un boudin intestinal de dix mètres noué et posé au sol. Elle découpe dans les tirages des formes qu’elle colle à l’instinct sur d’autres images ou qu’elle réunit en grappes organiques dont émerge parfois le contour d’un membre. De la taille d’un homme, ces corps en fragments pendent de manière suggestive du plafond. Dans les recoins de cet espace plus resserré de la galerie, l’effet produit est saisissant. Both echoing and reacting to the dematerial­ized, fluid and manipulabl­e nature of the digital image, recent developmen­ts in North American photograph­y foreground the process of elaboratin­g the work and consider photograph­y as an object. But the fact of being disconnect­ed from any reality other than the medium and its relation to painting and sculpture means that artists often stumble over the twin pitfalls of simple demonstrat­ion or strict formalism. That is not the case, however with Letha Wilson and Kate Steciw, exhibited by Galerie Christophe Gaillard. Wilson brings to the mix the experience of land- scape, while Steciw offers a troubling evocation of the body. Seen through Wilson’s lens, American nature is often reduced to closeups of plants and rocks, which she then juxtaposes with industrial materials. In order to intensify their existence and presence, she casts her images in concrete and cement and, increasing­ly, combines them with steel and bronze. She plays on the different levels obtained and the effects of surface on the still liquid material. The procedure seems to leave considerab­le room for accident. However, many of the works take a rigorous approach to the fold, including the central sculpture, which was specially produced for the exhibition space. It comprises two metal tubes, each three meters long, placed end to end across a zigzagging sheet of folded metal with a photo of rocky terrain printed on it. This pipeline over American land could be seen as expressing an ecological statement. The artist allows this possibilit­y but prefers to evoke the kind off tension between chaos and order that informed Land Art, which is one of the sources of her work, along with the great tradition of American landscape photograph­y. Steciw’s work is even more fast-changing, and this is not just down to the progress in printing and cutting technology that she attentivel­y follows. We were already familiar with the digital collages made by this former retoucher using stock images obtained by feeding keywords into databases and ordered in flat, geometrica­l compositio­ns. To these Steciw now adds photograph­s taken with her telephone which, for all their banality, have a powerful personal charge. Most of all, she is extending her work on layers of images to three-dimensiona­l space. She prints her photograph­s on fabric in order to create an intestinal tube ten meters long that is knotted and placed on the floor. From these prints she cuts out forms that she instinctiv­ely glues onto other images or brings together in organic bunches from which the contour of a limb occasional­ly emerges. The size of man, these fragmented bodies hang suggestive­ly from the ceiling. In the corners of this more exiguous space in the gallery, the effect is striking.

Translatio­n, C. Penwarden

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« Kate Steciw ». Vue de l’exposition (Ph. Rebecca Fanuele). Exhibition view
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« Letha Wilson. Surface Moves ». Vue de l’exposition. (Ph. R. Fanuele)

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