Dector & Dupuy
Frac Poitou-Charentes / 30 septembre - 17 décembre 2016 L’exposition résulte d’un minutieux travail d’exploration de la ville d’Angoulême et de son agglomération. Peintures, photographies et objets procèdent ici de ce qu’il faudrait nommer, après d’autres, une « écologie de l’attention » : dans la profusion de signes qui composent l’espace urbain, Dector & Dupuy sont à l’affût de détails susceptibles de révéler l’histoire microscopique, souvent conflictuelle, de la vie d’une cité. Soumise à divers procédés de déplacements formels (appropriations, recadrages, détournements, reproductions, remplacements) et géographiques (de la rue à l’espace d’exposition), cette archéologie du quotidien rencontre parfois, avec humour, de grands noms de l’histoire de l’art. Un tag grossièrement recouvert par les services municipaux – d’innocents motifs peints sur un bâtiment industriel – rappelleront ainsi, reportés sur la surface d’un mur ou d’une toile, une période héroïque de l’abstraction picturale. Les balises blanches disposées en damier sur le sol, qui envahissent les rues environnantes, peuvent évoquer les célèbres colonnes du Palais-Royal. Loin toutefois de se prêter au jeu gratuit des citations, les artistes invitent le public à reconsidérer les lieux de son quotidien sous les auspices de l’art. Un art dont la dimension politique réside moins dans une volonté de prendre part aux décisions de la cité que dans sa capacité à affiner le regard que nous portons sur elle. Circulant entre les espaces intérieur et extérieur du Frac, le travail de Dector & Dupuy trouve dans ce lieu une résonance toute particulière : fermement ancré dans la réalité d’un territoire, au plus près de ceux qui le peuplent et auxquels il s’adresse, il ne cesse pour autant d’interroger l’histoire plus confidentielle de l’imagination plastique. This show is the result of a meticulous exploration of the city of Angoulême and its suburbs. It comprises paintings, photos and objects proceeding from what has been called “an ecology of attention.” In the profusion of signs that make up urban space, Dector & Dupuy seek out details that can reveal a city’s often conflictual history on a microscopic level. These findings are submitted to various displacements, some formal (appropriation, reframing, hacking, reproduction, substitution, etc.) and others geographic (from the street to the exhibition space). Occasionally, great figures from art history turn up in this archeology of daily life, often to humorous effect. A graffiti tag painted on an industrial building and rudely covered over by city workers, its innocent motifs equally transposable onto the surface of a wall or canvas, recalls the heroic era of Abstract Expressionism. White columns laid out in a checkerboard pattern invading the adjacent streets bring to mind Daniel Buren’s famous columns in the courtyard of the Palais Royal. But these two artists are not just playing spot-thereference. They are inviting visitors to rethink what they see every day, under the influence of art. An art whose political dimension resides not so much in a desire to take part in urban decision-making as in its ability to hone our gaze, the way we see the city. Seen both inside and outside the art center, Dector & Dupuy’s work is singularly resonant. While very much grounded in the reality of a territory, and closely linked with the inhabitants it addresses, it ceaselessly interrogates the more elusive history of the visual imagination.
Translation, L-S Torgoff Une ligne blanche segmentée en zigzags sur fond d’aplats de couleurs rectangulaires structure le dessin ; à celle-ci s’ajoutent de fines lignes noires horizontales, comme venant en appui : Manfred Mohr est l’un des artistes défricheurs, à la fin des années 1960, de ce que l’on appelait alors « art informatique ». La ligne est la projection en deux dimensions du trajet d’une diagonale dans un hypercube à n dimensions, chaque changement de direction indiquant une nouvelle dimension. Chaque dessin, un par dimension, expose ainsi, en une suite, l’ensemble du parcours généré par ordinateur. De cette géométrie concrétisée émergent dynamique et expressivité, la restriction à l’espace 2D devenant un puissant outil pour traduire le mouvement, terme qui peut être entendu dans son sens musical ou spatial. Le travail génératif de Manfred Mohr ressemble à une écriture inconnue. De traces du parcours, les éléments graphiques deviennent signes, évoluant d’une poésie visuelle concrète des débuts à une partition musicale aujourd’hui. Dans la série P1680, les changements de dimensions sont scindés en deux, pair d’un côté et impair de l’autre. La ligne est devenue noire et le dessin évoque littéralement une partition de musique où temps et espace fusionnent. Le langage formel de Manfred Mohr fait aussi penser à une notation chorégraphique. Dans la série P2200, des lignes de couleurs font écho à la ligne blanche, comme autant de fantômes venus des autres dimensions ou comme des danseurs évoluant en chorale et contrepoint. A white line segmented into zigzags against rectangular patches of color structures the drawing. To this are added thin black horizontal lines, like supports: Manfred Mohr was one of the artists who pioneered what, in the late 1960s, was known as “computer art.” The line is the two-dimensional projection of a diagonal moving within a hypbercube of n dimensions. Each change of direction indicates a new dimension. Taken together, the drawings, one per dimension, show the sequence generated by the computer. This concretized geometry produces a dynamic, expressive effect, with the restriction to 2D space becoming a powerful tool for translating movement, a term that can be understood here in both musical and spatial senses. Mohr’s generative work is like some unknown writing. The graphic elements cease to be the traces of a sequence and become signs, evolving from the concrete visual poetry of his early days to the musical scores he produces today. In the P1680 series the changes of dimension are divided in two, with even on one side and odd on the other. The line has become black and the drawings literally evoke a musical score in which time and space merge. The formal language developed by Mohr also brings to mind choreographic notation. In the P2200 series, lines of color echo the white line, like ghosts from other dimensions or like dancers moving in unison or in counterpoint.
Translation, C. Penwarden