PIERRE RISSIENT mister everywhere
Les livres d’entretien avec des figures de la cinéphilie originelle – celle qui naquit après-guerre – ne manquent pas. L’évocation de souvenirs s’y conjugue la plupart du temps avec le sentiment un peu fat du devoir accompli, quand ce n’est pas avec un certain côté « ancien combattant ». Les entretiens que Samuel Blumenfeld a menés avec Pierre Rissient tranchent avec cet ordinaire. Non pas que celui qui fut – et pour partie demeure – assistant, distributeur, attaché de presse, producteur, cinéaste et surtout découvreur, soit spécialement porté à l’autocritique, encore que cette dimension ne soit pas tout à fait absente. C’est plutôt que Mister Everywhere propose moins une rétrospective qu’un outil de travail. Rarement a-t-on lu entretiens aussi rigoureusement transcrits et remis en forme. Pas un mot de trop, pour une fois l’étroitesse des volumes d’Actes Sud tombe à pic. Les genres littéraires de prédilection de Rissient sont, confie-t-il, le poème, l’aphorisme et le pamphlet. On le conçoit sans mal. Quant à l’anthologie à laquelle il songe, qui réunirait les « lignes les plus percutantes de Xun, de Brecht, de Vailland, de Hayes, dont la structure ferait apparaître la syntaxe exacte qui révèle la vie brute, nette, concise, et permet de voir et de comprendre », il faut espérer pouvoir un jour la lire. « THE FRENCH CONNECTION » L’ami d’Eastwood et de Tarantino, celui que Lino Brocka surnomma « The French Connection » évoque sa participation au macmahonisme, école pour qui l’« ultime défi de la mise en scène » était « de se faire oublier et de rendre le monde dans sa brutalité originelle, sans intellectualisation ». Il revient sur ses rencontres avec Fritz Lang, Raoul Walsh et bien d’autres encore, relate ses voyages en Asie. Rien de cela n’est ennuyeux, mais le plus fort reste à venir. Quand Blumenfeld lui demande quels cinéastes mériteraient selon lui d’être (re)découverts, Rissient retrace avec une terrassante minutie les parcours d’hommes dont un cinéphile peut confesser sans rougir n’avoir jamais entendu les noms: Hanns Schwarz, Gustav Machaty, Abbadie