Jocelyne Desverchère
Première à éclairer la nuit
P.O.L, 142 p., 9 euros Première à éclairer la nuit est un emprunt à la chanson Vénus écrite par Gérard Manset pour Alain Bashung. Le personnage principal du livre, Antoine, décide aussi de se laisser guider « par une étoile ». Elle s’appelle Christine. Ils travaillent tous les deux dans l’administration d’un lycée. Ils appartiennent à un monde qui se contente d’une certaine étroitesse, à la fois rassurante et accommodante avec quelques aspérités. Elle est mariée, et a une petite fille. Cet obstacle ne le rebute pas. Un soir, Antoine tombe sur Louis, le mari de Christine, « très affairé à caresser les seins d’une femme ». Il échafaude alors un stratagème pour que Christine découvre la trahison de Louis. Il emporte cette partie. Christine se laisse conquérir. Mais, quelques péripéties plus loin, la porte, à peine ouverte, se referme et l’abandonne aux prises avec son propre vide et ses douloureuses interrogations. Dans ce premier roman prometteur, Jocelyne Desverchère donne un relief particulier à une histoire d’amour qui a du mal à équilibrer l’envie « de faire de beaux rêves », et les déceptions, les coups bas et les compromis. L’auteure cherche moins à développer, à expliquer qu’à produire des images aptes à se plier aux incitations les plus inattendues, et donc à engranger des capacités de rebond par une évaluation appropriée du grain à moudre. L’enjeu n’est pas de s’embarquer dans une sorte de pêche au gros qui a tendance à vouloir tout englober, tout pénétrer, mais de resserrer, d’être au plus près, de s’en tenir à saisir des sensations, des détails et d’en accentuer l’impact. Les personnages s’observent, se rapprochent, se séparent, et tirent sur un fil pour faire apparaître sans cesse le noeud qu’ils n’arrivent pas à défaire et avec lequel ils apprennent à vivre.