Rolande Causse
Conversations avec Nathalie Sarraute
Seuil, 176 p., 17 euros Il semblerait que depuis quelque temps Nathalie Sarraute soit un peu tenue à l’écart. C’est regrettable. Du Planétarium à Ouvrez, son dernier livre, publié en 1997, elle nous propose toujours le plaisir d’une merveilleuse inventivité. Pour qui a eu la chance de la rencontrer, sa vivacité et sa douce ironie séduisaient aussitôt et chassaient les préjugés stupides : écrivain cérébral, difficile, quasiment scientifique… Tout cela est faux. Sarraute écrit sur la parole, sur le poids de la parole, découvert lors de ses études de droit dans les années 1930. C’est devenu son obsession, comme le matériau d’un artiste. Revenant sur l’élaboration de cette oeuvre unique et sur cette existence de près d’un siècle (Sarraute est morte à 99 ans en 1999), Rolande Causse, qui a assidûment fréquenté l’écrivain à partir de 1985, dresse à travers ces conversations un portrait juste de Sarraute la perfectionniste, mais amicale aussi, et curieuse de tout. Des aspects méconnus sont également révélés ici, ainsi quand Sarraute affirme inébranlablement : « J’ai toujours été de gauche. » Même si son voyage à Cuba en 1961 la dégoûtera. Parmi ses passions de toujours vient en premier lieu New York, une ville qu’elle aime presque autant que Paris, où elle ne cessera de se rendre dès les années 1960 pour donner des conférences. Face à ces étudiants, elle découvre que « la parole est un acte amoureux, un vrai plaisir, loin de toute crainte ». Autre passion de Sarraute : la peinture, et notamment le cubisme, Serge Poliakoff, Paul Klee. Quant aux écrivains, on sait que Virginia Woolf, Proust, Kafka, furent ses compagnons familiers ; on découvre son admiration pour Diderot critique d’art, dont elle aime l’écriture limpide mais aussi la fantaisie. Sarraute, plus rebelle qu’on ne le pense.