C. de Toledo, A. Imhoff, K. Quiros
Les Potentiels du temps. Art & politique
Manuella, 296 p., 19 euros Le siècle qui s’ouvre est lesté de la langueur des fins de cycle. Pourtant, à écrire ce constat, on pressent combien c’est là un non-sens : non que les symptômes manquent, mais le diagnostic, lui, ne tient pas compte des spécificités du sensible. Plutôt que de rabattre d’anciennes divisions sur le présent, des voix s’élèvent pour redéfinir le réel. Ce moment a correspondu à l’effervescence d’il y a une petite dizaine d’années : les philosophies du Réalisme Spéculatif, de l’Accélérationnisme ou de l’Ontologie Orienté Objet, pour citer celles qui ont le plus vocation à « faire mouvement », se sont érigées sur le sol mouvant d’une French Theory s’étant transformée en boîte-à-outils conceptuelle. Un autre tournant s’amorce à présent : à l’été, Tristan Garcia concluait son essai la Vie intense sur la formulation de l’exigence, pour le penseur, à retenir ses effets d’autorité. Cet automne, avec les Potentiels du temps, Art & politique, Camille de Toledo, Aliocha Imhoff et Kantuta Quiros imaginent la forme que pourrait prendre une telle entreprise : « Un livre d’art, de théorie, c’est-àdire, autrement, un livre politique », précisent-ils dans leur déclaration d’intention. Consacré au développement de ce que pourrait être une « pensée potentielle », l’ouvrage offre un aperçu érudit des débats théoriques contemporains. Mais encore, on assiste à une forme qui s’invente à mesure qu’elle s’écrit : mouvante, éminemment plastique, elle croise les voix et établit des passerelles entre les domaines – l’idée de traduction étant centrale au propos. « Archives visuelles d’exposition, fragments d’entretiens, textes, lexiques » alimentent ce premier pas d’une trilogie et d’une ambitieuse entreprise de dé-définition du donné qui s’annonce passionnante.